Procès Palmade : pourquoi la justice a exclu l’homicide involontaire malgré la perte d’un fœtus de six mois ?
Auteurs : Marie Schroeder, master de droit pénal et politiques criminelles, université Paris-Nanterre
Etienne Merle, journaliste
Relecteurs : Audrey Darsonville, professeure de droit pénal, université Paris-Nanterre
Jean-Paul Markus, professeur de droit public, université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Le procès de Pierre Palmade s’ouvre ce 20 novembre après l’accident qui a causé la perte d’un fœtus de six mois. L’acteur est jugé pour blessures involontaires sous l’emprise de stupéfiants. La qualification d’homicide involontaire a été écartée par la justice, car un fœtus mort in utero n’est pas considéré dans la loi comme une personne.
Un an et demi après le terrible accident impliquant l’acteur Pierre Palmade, le procès de l’humoriste s’ouvre ce 20 novembre au tribunal de Melun. Il y comparaît pour blessures involontaires sous l’emprise de stupéfiants.
Au-delà du choc qu’a provoqué un tel drame, la qualification retenue par la justice pour poursuivre Pierre Palmade a créé de nombreuses interrogations. L’accident provoqué par l’acteur a blessé trois personnes, dont une femme enceinte d’un fœtus de six mois, qui ne verra jamais le jour.
Ainsi, quand la justice a décidé de renvoyer devant le tribunal correctionnel l’acteur pour « blessures involontaires » et non pas pour « homicide involontaire », de nombreuses personnes se sont insurgées contre cette décision, à commencer par l’avocat de la famille des victimes.
« On avait un fœtus qui allait naître, vivant et viable et qui n’a pas pu à cause de l’accident. Il y a un lien de causalité direct entre la mort de cet enfant et l’accident. Et juridiquement, on n’en tire aucune conséquence », s’est-il indigné chez RTL, le 17 novembre.
Si les interrogations sont légitimes, le juge d’instruction en charge de l’enquête n’a fait qu’appliquer le droit dans cette affaire.
Pour qu’il y ait homicide involontaire, il faut un être humain vivant
Le Code pénal énonce que « le fait de causer […] par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui constitue un homicide involontaire […]« . La loi exige donc « la mort d’autrui ». Par conséquent, la victime doit être vivante au moment de la réalisation de l’infraction.
Or, la question qui s’est posée était de savoir si le fœtus pouvait être qualifié « d’autrui » au sens de la loi pénale. Selon la jurisprudence, tout dépend du moment de la mort du fœtus. Deux cas sont alors à distinguer.
En cas de mort du fœtus in utero : une question déjà réglée
Pour la Cour de cassation, la victime doit être née vivante de manière indépendante du corps de la mère. Dans une décision remarquée en 2001, la Cour de cassation refusa de considérer un fœtus, enfant à naître, comme victime d’un homicide involontaire.
La configuration était la suivante : un véhicule conduit par un homme sous l’emprise de l’alcool avait heurté celui conduit par une femme, enceinte de six mois, qui a perdu à cette occasion le fœtus qu’elle portait, mort sur le coup.
La Cour de cassation interprète strictement la loi pénale : un fœtus mort in utero n’est pas une personne humaine et vivante. Par conséquent, les juges refusent de qualifier la mort in utero du fœtus d’homicide involontaire.
Certains tribunaux correctionnels ont tenté d’admettre tout de même l’homicide involontaire : dans le domaine médical ou dans celui des accidents de la circulation. Mais ces décisions du fond ont chaque fois été censurées par la Cour de cassation, qui maintient sa position à ce jour.
Le fœtus mort-né n’a donc pas d’existence autonome et, de ce fait, ne peut être victime d’homicide involontaire. Cela signifie que seules des violences involontaires contre la personne de la femme enceinte pourront être retenues contre l’auteur de l’accident.
Dans l’affaire Palmade, le fœtus extrait n’aurait pas respiré
La Cour de cassation avait précisé en 2001 qu’« il ne peut y avoir d’homicide qu’à l’égard d’un enfant dont le cœur battait à la naissance et qui a respiré ». Arrêtons-nous sur ce point. Selon un collège d’experts agréés par la Cour de cassation, dans l’affaire Palmade, les médecins ont tenté, par césarienne, de sauver l’enfant à naître.
Ce dernier a été extrait, mais ne présentait pas de vie extra-utérine, selon leur rapport. Ainsi, le fœtus est mort in utero, il n’est donc pas considéré comme né vivant. Il ne bénéficie pas de la qualité de victime d’une infraction pénale et par conséquent l’homicide involontaire n’a pas pu être retenu à l’encontre de Pierre Palmade.
En revanche, dans l’hypothèse où le fœtus aurait respiré, même quelques secondes, après son extraction, la qualification aurait pu être différente. La Cour de cassation a affirmé en 2003 que, si la faute est commise au stade prénatal et que l’enfant est né vivant, mais décédé par la suite en raison des séquelles provoquées par le dommage (accident de la route, accident médical, …), l’auteur peut être responsable d’un homicide involontaire.
Dès lors que l’enfant est né vivant, même un très court instant, il devient « autrui » au sens de la loi, et la qualification d’homicide involontaire s’applique.
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