Pour le député (LFI) Adrien Quatennens, le Conseil de défense “n’est pas un cadre pour prendre des décisions d’ordre sanitaire”
Dernière modification : 21 juin 2022
Auteur : Jean-Paul Markus, Professeur de droit à l’Université Paris-Saclay
Source : France Info, 9 novembre 2020
Le Conseil de défense et de sécurité nationale dans sa formule actuelle date de 2009. Il a été conçu pour faire face à une “crise majeure” qui inclut le cas d’une crise sanitaire, si on se réfère aux débat au Parlement lors du vote de la loi qui a établi ce Conseil de défense.
Le député LFI pose une question importante car on peut légitimement se demander en quoi la lutte contre l’épidémie de Covid-19 concerne la défense militaire. Ce faisant, il se trompe et à sa décharge, la réponse n’est pas bien évidente.
Le Conseil de défense existe depuis le 19ème siècle, mais sa forme actuelle est celle d’un « Conseil de défense et de sécurité nationale », prévu par le code de la défense, depuis une réforme de 2009. Ce conseil reste bien axé sur les questions de défense, auxquelles ont été ajoutées les questions de sécurité nationale telles que la lutte contre le terrorisme ou le renseignement, afin d’assurer une certaine cohérence dans l’action.
Mais le code de la défense ajoute que ce conseil « définit les orientations en matière (…) de planification des réponses aux crises majeures ». L’épidémie actuelle constitue-t-elle une « crise majeure » ? Assurément, mais est-ce une crise majeure au sens du code de la défense ? Car tout texte de loi se lit de façon contextuelle : un texte placé dans le code de la défense, comme l’affirme naturellement M. Quatennens, vise la défense et pas la santé.
Il faut donc aller chercher l’intention du législateur de 2009 lorsqu’il a créé ce Conseil de défense nouvelle formule. Cette intention se trouve dans les débats parlementaires ayant abouti à la loi de 2009 : le premier indice qu’on trouve est que le Parlement y appréhende la défense de façon « globale » (rapport parlementaire, p. 21), dans tous les domaines, face à ce qu’il appelle « l’interconnexion croissante des menaces et des crises » (même rapport, p. 12). Le même rapport est encore plus explicite : « la politique de défense doit répondre à une agression armée et participer à la lutte contre les autres menaces justifiant une contribution des forces armées (terrorisme, crise sanitaire…) » (même rapport, p. 22). On se rappelle d’ailleurs que les forces armées ont contribué à la lutte contre la Covid-19 par leurs moyens sanitaires.
En d’autres termes, Adrien Quatennens se trompe car le Conseil de défense et de sécurité nationale est bien compétent pour traiter une crise sanitaire, alors même que le pays n’est pas confronté à une menace militaire.
Enfin, Adrien Quatennens déplore que ce soit ce conseil qui « décide » des orientations et non le Parlement, le tout sous couvert de secret défense. Rappelons qu’en vertu de la Constitution (article 15), c’est le président de la République qui préside ce Conseil de défense et qui décide en dernier ressort, et le premier ministre qui met en œuvre (article 21). Autrement dit, ce Conseil de défense ne décide rien. Quant au Parlement, il garde ses prérogatives habituelles de contrôle de l’action de l’exécutif.
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