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Pour Hervé Lehman : « La loi enjoint aux juges de ne pas envoyer les délinquants en prison »

Création : 12 septembre 2024

Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public à l’université de Poitiers

Relecteur : Jean-Baptiste Thierry, professeur de droit pénal à l’université de Lorraine

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste

Source : Article du Figaro, le 3 septembre 2024

Bien qu’il existe une incitation, voire une obligation, de ne pas prononcer de peine d’emprisonnement, cela ne concerne que les peines les plus courtes.

Dans une tribune pour Le Figaro, l’avocat et ancien juge Hervé Lehman affirme que la loi enjoint aux juges de ne pas envoyer les délinquants en prison. Il précise d’emblée qu’il existe des exceptions à ce principe, et il a bien raison, en ce que cette consigne ne concerne pas toutes les peines.

Une incitation qui ne concerne que les courtes peines

Cette incitation à aménager les peines concerne principalement les courtes peines d’emprisonnement, celles inférieures à un an depuis la loi de 2019 (auparavant deux ans). Les peines plus longues ou qui concernent des crimes ne sont pas concernées. Les peines avec sursis simple s’appliquent aux peines inférieures à cinq ans, et dix ans pour celles avec sursis probatoire en cas de récidive. Hervé Lehman a donc grossi le trait de cette consigne qui n’est vraiment une obligation que si la peine d’emprisonnement ferme prononcée est inférieure à six mois.

Une obligation relative ?

Les lois successives de 2009, 2014, 2016 et 2019 ont progressivement renforcé l’obligation pour les juges de motiver les peines de prison, notamment pour l’emprisonnement sans sursis, qui ne doit être prononcé qu’en dernier recours. La loi de 2019 impose en particulier que les peines fermes de moins de six mois soient aménagées, sauf cas exceptionnels, et encourage fortement l’aménagement pour celles de six mois à un an.

En plus des peines d’emprisonnement, des alternatives comme la détention à domicile sous surveillance électronique ou le travail d’intérêt général peuvent être prononcées.

Malgré ces obligations, un rapport de novembre 2022 constate que l’exigence de motivation des peines reste peu respectée par les tribunaux correctionnels, qui reprennent le plus souvent des motivations dites « standardisées », soit tirées des critères légaux de motivation prévus par la loi.

S’il est vrai qu’il y a une réflexion menée sur l’utilité des courtes peines d’emprisonnement — peu efficaces au regard de la récidive, génératrices de surpopulation carcérale — le législateur apporte des réponses parfois contradictoires : sévérité des peines encourues d’un côté, obligation d’aménagement de l’autre, octroi de larges réductions de peines, aménagements automatiques, en vue de réguler le « flux » de la population carcérale, et ce peut-être au détriment d’une bonne individualisation.

Autre point, Hervé Lehman impute cette obligation à une « gauchisation » de la justice française. Il faut à ce titre noter que la loi de 2009 n’a pas été portée par un gouvernement socialiste mais par le gouvernement Fillon, sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

 

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