Guillaume Paumier, CC 3.0

Philippe de Villiers : « C’est la Commission de Bruxelles, composée de personnes non élues, qui commande. Elle possède le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif »

Création : 8 février 2024
Dernière modification : 14 février 2024

Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public

Liens d’intérêts : aucun

Fonctions politiques ou similaires : aucune

Relecteur : Vincent Couronne, docteur en droit européen, enseignant à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye

Liens d’intérêts : aucun

Fonctions politiques ou similaires : aucune

Secrétariat de rédaction : Sasha Morsli Gauthier

Source : Compte X de Philippe de Villiers, 3 février 2024

La Commission européenne doit être approuvée par le Parlement européen pour être nommée et entrer en fonction. Elle n’est pas seule à élaborer les lois européennes puisque c’est le Parlement et le Conseil qui adoptent, modifient ou rejettent les propositions de la Commission européenne.

Interrogé en sa qualité d’ancien député européen sur le processus législatif au sein de l’Union européenne, Philippe de Villiers a pointé du doigt la toute puissance de la Commission, selon lui non élue et qui détient à la fois les pouvoirs exécutif et législatif. Ce qu’il dit est doublement faux.

Les membres de la Commission européenne sont élus

L’article 17 du Traité sur l’Union européenne prévoit le mode de désignation des membres de la Commission. Et cet article prévoit bien une élection de la Commission, qui se fait en deux temps : son président ou sa présidente est proposé par le Conseil européen, composé des chefs d’État et de gouvernement des États membres. Il ou elle doit être élu par le Parlement européen, composé des députés européens élus par les citoyens européens. C’est ce qu’a fait le Parlement européen le 16 juillet 2019, en élisant à une majorité de 9 voix d’avance seulement Ursula von der Leyen.

Les vingt-six autres membres de la Commission (les « commissaires ») sont ensuite proposés conjointement par le président et le Conseil européen, et soumis à l’approbation des députés européens. La Commission n’est nommée que si elle recueille cette approbation. Un vote est donc bien organisé au Parlement européen, qui auparavant a auditionné chacun des candidats, en se laissant le droit de les rejeter lorsqu’ils ne leur conviennent pas. Les députés européens ont ainsi voté en faveur de la Commission européenne le 26 novembre 2019, par 461 voix pour, 151 voix contre et 89 abstentions, une majorité bien plus confortable que celle obtenue par sa présidente seule quelques mois plus tôt. La Commission est donc bien élue, qui plus est par les députés européens, représentants des citoyens européens et élus au suffrage universel direct.

Ainsi, alors que l’exécutif de l’Union européenne que représente la Commission est élu, le Gouvernement français ne l’est pas : aucun vote d’investiture par l’Assemblée nationale n’est obligatoire, Gabriel Attal n’a d’ailleurs pas cherché à franchir cette étape.

Tout comme l’exécutif en France, la Commission propose les « lois » européennes, mais ne les vote pas

La Commission a en réalité un rôle relatif dans le processus législatif européen. Philippe de Villiers a en partie raison lorsqu’il dit qu’elle a le « monopole » de l’initiative législative car elle est le point de départ du processus législatif : elle présente une proposition législative au Parlement européen, mais son rôle s’arrête là. D’ailleurs, ce monopole n’est pas entier, puisque dans certains cas bien définis c’est à d’autres institutions de proposer une loi européenne. De plus, la Commission peut cependant être saisie par le Parlement (article 225 TFUE) ou un million de citoyens européens (sur 448 millions de citoyens, soit 0,23% de la population) pour étudier une proposition à présenter aux députés. La Commission, si elle rejette la demande, doit se justifier. Par comparaison, le référendum d’initiative partagée en France doit être soutenu par 10 % des électeurs (article 11 de la Constitution).

Le dialogue se fait ensuite entre le Parlement européen qui amende le texte présenté par la Commission, et le Conseil de l’UE qui peuvent amender le texte avant de l’adopter, non sans passer par un système de navette comme entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Le plus souvent, quelques représentants des deux institutions se retrouvent en « trilogue » pour trouver un compromis sur un texte. « Trilogue », car la Commission européenne est aussi présente à ces réunions, sans pour autant avoir de pouvoir de décision.

Si au bout du processus un texte est adopté, sous la forme d’un règlement ou d’une directive, c’est la Commission qui est chargée de veiller à ce qu’il soit appliqué. Le pouvoir législatif est donc principalement entre les mains des deux chambres, Parlement et Conseil, et le pouvoir exécutif entre les mains de la Commission. Il peut arriver que le législateur délègue à la Commission une part de son pouvoir législatif, à l’image de la pratique des ordonnances en France (habilitation prévue à l’article 38 de la Constitution). Mais cette délégation est temporaire, sous le contrôle étroit du législateur, et révocable à tout moment. Surtout, à la différence des habilitations françaises qui prennent la forme d’ordonnance qui prennent force de loi, les actes délégués pris par la Commission demeurent inférieurs à la loi européenne. Il ne s’agit donc pas, à la différence du cas du Gouvernement français, d’un véritable pouvoir législatif confié à la Commission.

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