Crédits photo : Fabien Siméon, CC 4.0

Olga Givernet : « Dire que parfois les Français font le choix de rester au chômage parce que ça ne rapporterait pas beaucoup plus en emploi, oui c’est vrai »

Création : 5 mars 2024
Dernière modification : 13 mars 2024

Auteur : Pascal Caillaud, chargé de recherche CNRS en droit social à l’Université de Nantes

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, à l’Université Paris-Saclay

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Sasha Morsli Gauthier

Source : BFMTV, 27 février 2024

L’indemnisation d’un chômeur est conditionnée à une durée d’affiliation, à une recherche active d’emploi et est limitée dans le temps. De plus, l’idée selon laquelle le retour à l’emploi rend imposable ou fait perdre des aides sociales est fausse.

Quelques jours après que le Premier ministre a invoqué un « devoir de travailler », principe sans réelle valeur juridique, la députée Renaissance de l’Ain Olga Givernet, interrogée sur une éventuelle modification de l’assurance-chômage, explique que « parfois les Français font le choix de rester au chômage parce que ça ne rapporterait pas beaucoup plus en emploi ». Cette déclaration plutôt vague et peu étayée, néglige le fait que l’indemnisation d’un chômeur reste conditionnée à une recherche active d’emploi et qu’elle est limitée dans le temps.

Une indemnisation du chômage justifiée par une activité précédente suffisante… sinon RSA

Pour toucher l’allocation chômage d’aide au retour à l’emploi (ARE), il faut avoir été involontairement privé de son travail, c’est-à-dire avoir été licencié, signé une rupture conventionnelle avec son employeur ou avoir démissionné pour une raison légitime (par exemple suivre un conjoint).

Il faut également justifier d’une période d’affiliation, avoir travaillé au moins 6 mois (soit 130 jours ou 910 heures) dans les 24 derniers mois à la date de fin du contrat de travail, ou sur les 36 derniers mois si le demandeur d’emploi a au moins 53 ans (site du Service public).

Le montant de l’ARE est journalier, avec une part fixe égale à 12,95 € et une partie variable, égale à 40,4 % du salaire journalier de référence (SJR). Sans rentrer dans les détails du calcul, un demandeur d’emploi qui gagnait le smic avant de perdre son travail, et qui justifie de cette durée d’affiliation, touche entre 1000 et 1100 euros d’ARE par mois.

À défaut de justifier ces conditions d’emploi, le demandeur d’emploi ne percevra que le Revenu de Solidarité Active (RSA), dont le montant est de 607,75 euros par mois pour une personne seule sans enfant ou 1 276,29 euros pour un couple avec deux enfants.

Une indemnisation conditionnée à une recherche active d’emploi… sinon radiation

Mais cette indemnisation n’est pas inconditionnelle. Dans les 30 jours au plus tard suivant l’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi, le chômeur doit signer avec son conseiller France Travail (anciennement Pôle Emploi) un projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE) qui va tenir compte de sa formation, de ses qualifications, de ses connaissances et compétences professionnelles, de sa situation personnelle et familiale et de la situation du marché du travail local. Ce PPAE indique la nature et les caractéristiques de l’emploi recherché, la zone géographique privilégiée, le niveau de salaire souhaité et les actions que France Travail s’engage à mettre en œuvre (comme la formation ou l’aide à la mobilité) (Articles L5411-6 à L5411-7 du Code du travail). Surtout, elle entraîne des obligations pour la personne au chômage.

D’abord, un demandeur d’emploi immédiatement disponible pour occuper un emploi a l’obligation de participer à la définition et à l’actualisation du PPAE.

Ensuite, il doit accomplir des démarches régulières de recherche d’emploi dans le cadre de son PPAE, et donc fournir à France Travail une justification, comme les copies des candidatures, les réponses des employeurs à celles-ci, ou des démarches en vue de la création ou de la reprise d’une entreprise.

Enfin, si est proposée une offre dite « raisonnable d’emploi », c’est-à-dire correspondant à son PPAE, le demandeur d’emploi ne peut refuser à deux reprises successives une telle offre. Ces refus ne peuvent être justifiés que par une non-conformité aux conditions du PPAE (par exemple en cas d’emploi à temps partiel alors que le PPAE prévoit un temps complet, de salaire inférieur au salaire normalement pratiqué dans la région et la profession concernée, ou d’emploi non compatible avec les qualifications et les compétences professionnelles du demandeur d’emploi).

Le non-respect de toutes ces obligations est un motif de radiation de France Travail, entraînant la fin du versement des allocations chômage.

Une indemnisation limitée dans le temps

Depuis le 1er février 2023, la durée maximale de versement de l’ARE est de 18 mois (548 jours ; elle était de 24 mois – 730 jours – auparavant). Ajoutons que si le taux de chômage global est inférieur à 9% et qu’il n’a pas progressé de 0,8% sur le premier trimestre, la durée d’indemnisation est réduite de 25%. En outre, à partir du septième mois d’indemnisation (soit du 183ème jour), s’applique une dégressivité pour les demandeurs d’emploi dont les revenus excédaient un certain montant. À l’issue de la durée d’indemnisation, le demandeur d’emploi perçoit alors l’Allocation de Solidarité Spécifique (ASS), qui pour une personne seule se monte à 545,10 euros. De plus, dans son discours de politique générale, le Premier ministre a annoncé la suppression de l’ASS pour en basculer les nouveaux bénéficiaires sur le RSA.

Retrouver un emploi fait-il perdre des aides sociales ?

La déclaration d’Olga Givernet semble également sous-entendre que retrouver un emploi ferait perdre au demandeur d’emploi un certain nombre d’avantages, le dissuadant d’accepter un nouveau travail.

Écartons d’emblée un stéréotype : les allocations-chômage sont imposables sur le revenu et apparaissent dans la déclaration d’impôt pré-remplie. D’ailleurs, accepter un emploi ne rend pas forcément imposable : un salarié au smic vivant seul perçoit 16 784,32 euros net par an (21 203,00 euros brut) et ne paie pas d’impôt car il se trouve sous le seuil de la première tranche (18 625 euros par an).

De la même façon, les aides aux logements comme les APL, ALS ou ALF ne sont pas réservées aux chômeurs : elles ne dépendent que des ressources du locataire. Il en est de même pour les allocations familiales ou les aides à la garde d’enfants.

Certes, les demandeurs d’emploi ont droit à certaines aides (transports publics, cinéma, théâtre, piscines, musées, bibliothèques…), mais leur montant peut-il réellement être vu comme un frein au retour à l’emploi ?

 

 

Le 13 mars 2024, ajout du terme « nouveau » dans la phrase : De plus, dans son discours de politique générale, le Premier ministre a annoncé la suppression de l’ASS pour en basculer les nouveaux bénéficiaires sur le RSA

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