Non, les contrôleurs en Allemagne n’ont pas arrêté de contrôler les migrants
Autrice : Alexandra Maubec, étudiante en LLCER à la Sorbonne Nouvelle
Relecteurs : Etienne Merle et Clara Robert-Motta, journalistes
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Compte Facebook, le 19 septembre 2024
Des internautes affirment que l’Allemagne a arrêté de contrôler les titres de transport des migrants dans les trains. Cette information, instrumentalisée par l’extrême droite, ne provient que d’une observation d’un couple de passagers et a été démentie par les porte-paroles de la ligne située dans le sud de la Thuringe.
Les migrants échappent-ils aux contrôles dans les trains en Allemagne ? C’est du moins ce qu’assurent de nombreux internautes sur les réseaux sociaux : “En Allemagne, pour limiter la violence dans les trains, les contrôleurs sont autorisés à ne plus demander de tickets aux migrants”.
Cette allégation, tirée du blog spécialisé dans la finance Zero Hedge, soutint que les conducteurs de train de l’État de Thuringe auraient l’autorisation de ne pas vérifier les titres de transport des migrants dans le but de “réduire les comportements intimidants et violents des demandeurs d’asile”.
Cette rumeur se base sur une publication X du journal local Thüringer Allgemeine, où il est écrit : “Étrangers dans les trains en Thuringe : pas de contrôle des billets dans des situations exceptionnelles”.
Dans cette même publication, le journal renvoie à un de leurs articles, au titre plus nuancé, dans lequel les étrangers ne sont pas mentionnés : “Pas de contrôle des billets dans les situations risquées”. Qu’en est-il alors ?
L’observation d’un couple de lecteurs
Ce fameux article du Thüringer Allgemeine, publié le 15 septembre 2024 sur leur site (et le 16 dans la version papier), a été écrit après que le journal ait reçu une lettre de lecteur, écrit la journaliste. Un couple de passagers de la ligne d’un train régional assurait alors avoir été témoins d’une scène : la contrôleuse n’aurait pas vérifié les titres de transport des passagers « étrangers » dans le train. Une situation qu’ils estimaient être « une inégalité de traitement ».
De cette unique observation, le couple en a déduit que les contrôleurs de la Süd-Thüringen-Bahn ne vérifiaient plus les billets des étrangers. Une conclusion démentie par la porte-parole des chemins de fer régionaux dans l’article. Elle explique que sur le trajet en question, entre Meiningen et Arnstadt, les contrôleurs passent plusieurs fois. Il est donc très possible que le couple n’ait pas vu la contrôleuse vérifier les titres de transport des « étrangers » sur leur tronçon (Arnstadt Süd à Erfurt) tout simplement car ils avaient déjà été contrôlés auparavant.
Si l’article du Thüringer Allgemeine dément absolument que les « étrangers » ne font plus l’objet de contrôle, une phrase de la porte-parole semble avoir semé le doute dans l’esprit de certains lecteurs. « Ce n’est que dans des situations difficiles que nos collaborateurs peuvent décider eux-mêmes de la manière de procéder afin de désamorcer la situation », est-il rapporté dans l’article.
Cette déclaration a été reprise comme une preuve de ce qu’avait affirmé le couple (malgré les démentis clairs de l’entreprise ferroviaire) et instrumentalisée par l’extrême droite allemande arrivée en tête en Thuringe début septembre. Sur le compte X de l’AfD, l’ Alternative pour l’Allemagne, parti populiste de droite allemand, on peut lire : “C’est littéralement un billet gratuit qui est délivré en Thuringe : par crainte des agressions, les employés sont encouragés à ne plus vérifier les billets des passagers issus de l’immigration. C’est une capitulation annoncée”.
Des mesures de sécurité renforcées, mais toujours des contrôles
Ce n’est sûrement pas un hasard si cette histoire est montée en épingle de cette façon. Au printemps dernier, la compagnie ferroviaire annonçait des mesures de sécurité renforcées dans un contexte de “tendance croissante à la violence et à l’agressivité” dans leurs trains, “en particulier sur la ligne Erfurt – Meiningen”, précisait un communiqué publié le 10 mai 2024.
Parmi les nouvelles mesures, ils ne mentionnent pas la possibilité de ne pas contrôler certains titres de transport, mais parlent plutôt d’un “service de sécurité supplémentaire”, ainsi que de “consultations répétées entre nos entreprises de transport et la police fédérale et régionale”.
Dans ce communiqué, la compagnie ferroviaire indique que les règles de circulation dans les trains sont depuis peu expliquées lors de réunions d’information, dans un centre d’accueil de migrants du coin. Au printemps, des incidents avaient eu lieu sur la ligne Erfurt-Suhl, rapporte un article du Thüringer Allgemeine.
Mais depuis que des fonds ont été débloqués pour réaliser ces mesures, à la fois sécuritaires et d’information, le nombre d’incidents a diminué, indique l’article.
À toutes fins utiles, les responsables de la ligne avaient rappelé dès le mois de mai que cette augmentation d’agressivité ne concernait pas seulement les étrangers : “Les situations d’insultes, de grossièretés, d’agressions, etc, dans nos trains ne sont pas uniquement le fait de personnes issues de l’immigration, loin de là”. Ils ajoutent, pour clore leur communiqué, que “les passagers allemands se font malheureusement aussi très souvent remarquer par leur niveau élevé d’agressivité”.
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