Source : BFM TV, 8 juillet 2024

Non, le NFP ne prévoit pas d’autoriser l’abaya à l’école comme première mesure gouvernementale

Création : 18 juillet 2024

Autrice : Lili Pillot, journaliste

Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Antoine Mauvy, étudiant en droit à l’université Paris II Panthéon-Assas

Source : Compte Facebook, 9 juillet 2024

Sur Facebook, un vidéaste affirme qu’en guise de première mesure, le Nouveau Front Populaire souhaite autoriser l’abaya dans les écoles. Si un député de l’alliance de gauche a bien déclaré vouloir supprimer une circulaire adressée par Gabriel Attal aux chefs d’établissement, ce n’est pas la position officielle du NFP. Et autoriser un vêtement religieux est, de toute façon, un non-sens juridique. 

“La charia arrive à grande voile”, prévient un internaute sur sa chaine YouTube. Ce vidéaste, proche de l’extrême-droite, en est convaincu : “Le Nouveau Front Populaire veut autoriser l’abaya à l’école comme première mesure”, écrit-il aussi sur Facebook le 9 juillet.

La citation est extraite d’une de ses vidéos sur Youtube, qui reprend la légende d’un autre compte X :Le NFP va supprimer l’interdiction de l’abaya à l’école. Que dire ? Rien… C’est la démocratie et le choix des français”. Mais ces posts qui se veulent alarmistes reposent-ils sur des faits ? Les Surligneurs font le point. 

Changement de version

Pour arriver à leur conclusion, ces internautes s’appuient sur une récente interview sur BFM TV, le 8 juillet 2024, du député LFI de la 10ᵉ circonscription de Paris, Rodrigo Arenas. Si l’élu s’y prononce en faveur de la suppression de la circulaire Gabriel Attal, ui vise à interdire systématiquement l’abaya et le qamis dans les établissements de l’enseignement primaire et secondaire, sa position sur le sujet n’est pas aussi radicale que le laissent penser les internautes.

Interrogé par le présentateur, le député s’explique : « La France Insoumise et l’Union populaire sont pour la loi de 1905 et de 2004 […] La circulaire était déjà appliquée par les chefs d’établissements quand ça portait atteinte et perturbait l’ordre public [..] Je suis pour faire confiance aux chefs d’établissements, parce qu’il y a des choses qui ne se régulent pas puisque ça se gère d’un point de vue humain, ça s’appelle l’éducation« .

Le lendemain, sur le réseau social X, il clarifie sa position : “Le Conseil d’état considère que l’abaya est un vêtement religieux. Son usage est donc proscrit dans les écoles publiques. Cet avis du Conseil d’état rend la circulaire abaya obsolète. Il faut donc appliquer la loi de 2004”.

Quelques jours plus tard, dans une interview publiée le 16 juillet par le média Entrevue, il affirme cette fois que Gabriel Attal avait raison de publier cette circulaire, mais qu’elle devient superflue dès lors que le Conseil d’état a rendu son avis. Il n’y aura pas d’abayas dans les écoles publiques, car cela est interdit en vertu de la loi de 2004, qui s’applique désormais”. 

Si la position du député semble avoir évolué au fil des jours, il n’empêche qu’il n’a jamais parlé d’autorisation pure et simple de l’abaya comme le laisse croire les internautes. D’autant plus qu’autoriser explicitement un vêtement religieux serait illégal, comme l’a affirmé le Conseil d’état : c’était à propos du règlement intérieur des piscines de Grenoble qui autorisait le burkini, non pas explicitement, mais avec une description si détaillée qu’aucun doute n’était permis.

« Ce que je dis n’engage pas le NFP »

D’autant que les déclarations du député ne déterminent ni l’agenda politique, ni le programme du Nouveau Front Populaire (NFP). “Ce que je dis n’engage pas le NFP. Dans le programme de l’alliance pour les législatives, il n’est à aucun moment fait mention d’une suppression de la circulaire et encore moins d’une autorisation de l’abaya”, confirme l’élu de gauche aux Surligneurs. “À aucun moment, je me positionne pour le retour de l’abaya en septembre”, martèle le député au téléphone. 

D’ailleurs, le 15 juillet, la députée européenne LFI Manon Aubry rebondissait sur cette question d’un potentiel projet à LFI de faire supprimer la circulaire. “Nous avons toujours dit que nous étions en faveur de cette abrogation. Maintenant, je ne suis pas sûre que ce soit la première des priorités”. À l’en croire, même si le NFP s’accordait sur une éventuelle suppression de la circulaire, elle n’interviendrait pas dès l’arrivée au pouvoir de l’alliance de gauche.


Le mot du juriste 

La loi du 15 mars 2004 interdit le port de signes ou de tenues par lesquels les élèves des écoles, collèges et lycées publics manifestent ostensiblement une appartenance religieuse. Précisée en partie par une première circulaire, une zone de floue persiste : la loi retenant l’adverbe « ostensiblement », une des difficultés majeures consiste à interpréter des signes et à apprécier l’intention du porteur du signe ou de la tenue.

Avec la circulaire adoptée en août 2023, Gabriel Attal indique que le port de l’abaya ou du qamis entre dans le champ de cette loi et qu’il constitue une manifestation ostensible d’appartenance religieuse.

Contestée, la circulaire a fait l’objet de deux référés d’urgence, qui ont été retoqués. Le Conseil d’État a validé la circulaire dans deux arrêts, estimant qu’elle ne portait pas une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale et qu’aucun doute sérieux quant sa légalité n’était relevé. 

Pour autant, le CE n’a pas encore rendu son arrêt sur le fond, qui permettra de trancher définitivement. En attendant, la circulaire Attal est légale.

Clément Benelbaz, maître de conférences HDR en droit public à l’université Savoie Mont Blanc, directeur du DU laïcité et République.

 

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