Non, la sénatrice Annick Billon n’a pas affirmé que des enfants pouvaient être consentants dans une relation incestueuse
Autrice : Maylis Ygrand, journaliste
Relecteurs : Jean-Baptiste Thierry, professeur de droit pénal, université de Lorraine
Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Compte Facebook, le 23 septembre 2025
Selon certains internautes, la sénatrice Annick Billon aurait déclaré que des enfants pouvaient être consentants dans une relation incestueuse. Mais, cet extrait télévisé est en réalité tronqué et la parlementaire centriste cherchait justement à intégrer dans la loi un seuil d’âge de non-consentement.
Défendre l’innommable. À en croire certains internautes, la sénatrice centriste Annick Billon aurait affirmé qu’ « il peut y avoir des enfants consentants » dans une relation incestueuse. « Ces gens devraient être en taule », s’énerve un internaute. « Quelle horreur », commente un autre.
Mais, en plus d’être datée, l’interview est en réalité tronquée. Contrairement aux propos publiés, la sénatrice défendait justement une proposition de loi visant à protéger les enfants des crimes sexuels.
Un seuil d’âge de non-consentement auparavant inexistant
Première observation : les différentes publications qui relaient cette supposée information ne datent pas de la même période, comme ici en février 2025 ou là en septembre de la même année. Et pour cause, une recherche d’image inversée plus tard, Les Surligneurs retrouvent la vidéo d’origine qui date… de janvier 2021.
À l’époque, Camille Kouchner vient de publier son livre La familia grande où elle raconte l’inceste qu’aurait subi son frère durant son adolescence. Au même moment, une proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels, à l’initiative de la sénatrice centriste Annick Billon, est examinée au Parlement.
Malgré le contexte et contrairement au bandeau visible sur l’extrait télévisé de BFM TV relayé par les internautes, la loi ne concerne pas seulement les relations incestueuses, mais plus largement les crimes sexuels sur mineurs.
Avant 2021, aucun seuil d’âge de non-consentement n’était fixé dans la loi. Inscrit à l’article 222-23 du Code pénal, le viol se caractérisait par : « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise ».
En outre, l’article 222-22-1 du Code pénal apportait des précisions permettant de retenir la contrainte lorsqu’il existait une certaine différence d’âge entre l’auteur et la victime. De plus, dans un arrêt du 7 décembre 2005, la chambre criminelle de la Cour de cassation avait jugé que l’« état de contrainte ou de surprise résulte du très jeune âge des enfants qui les rendait incapables de réaliser la nature et la gravité des actes qui leur étaient imposés ».
Il fallait donc systématiquement prouver qu’il y avait eu violence, contrainte, menace ou surprise pour caractériser un viol sur mineur. L’âge, en tant que tel, ne pouvait directement prouver le défaut de consentement.
En 2017, une affaire défraie la chronique. Alors qu’il a eu, par deux fois, des relations sexuelles avec une enfant de 11 ans, un homme de 28 ans est poursuivi, mais seulement pour atteinte sexuelle. La qualification sera rejetée, et il sera finalement condamné en 2024 pour viol. Cette affaire, comme nombre d’autres, choque l’opinion.
Pour pallier cette lacune législative, Annick Billon propose de créer un seuil d’âge de non-consentement. En dessous de ce seuil, il serait inutile de prouver une quelconque violence, contrainte, menace ou surprise, le viol se déduirait automatiquement de l’âge de la victime.
Un âge relevé par rapport à la proposition initiale
En l’occurrence, la sénatrice centriste voulait fixer ce seuil à 13 ans. Si, lors de son interview à BFM TV, Annick Billon déclare bien qu’ « il peut y avoir des enfants qui sont consentants ». Elle prend alors l’exemple d’« un jeune adulte de 17 ans, qui va avoir une relation sexuelle avec un autre enfant, de 14, bientôt 15 ans ». Les « enfants » dont elle parle font donc référence à des personnes âgées de 13 à 17 ans.
Elle ne fait donc pas référence à des relations sexuelles entre un mineur et un adulte, comme certains extraits tronqués le laissent imaginer. Elle souhaite en réalité protéger les « amours adolescentes » et ne pas « les criminaliser d’office ».
Pour rappel, d’après une enquête sur le contexte des sexualités en France par l’Inserm-ANRS-MIE publiée en novembre 2024, l’âge médian au premier rapport sexuel, en 2023 en France hexagonale, est de 18,2 ans pour les femmes et de 17,7 ans pour les hommes.
De plus, un seuil fixé à 13 ans permettait de ne pas empiéter sur le délit d’atteinte sexuelle sur un mineur de 15 ans, déjà préexistant dans le Code pénal. Et ainsi, d’éviter la censure par le Conseil constitutionnel.
Mais, lors de son passage sur BFM TV, le micro de la sénatrice est coupé pendant une bonne partie de l’entretien. Tronqués, ses propos sont déformés sur les réseaux sociaux. Par la suite, Annick Billon accuse le journaliste qui menait l’interview, Bruce Toussaint, d’avoir commis une « faute professionnelle ».
À la suite de la diffusion de cet extrait tronqué, certains internautes ont cru que la sénatrice centriste voulait introduire un âge de consentement présumé à 13 ans. Or, la proposition de loi déposée par Annick Billon cherchait justement à durcir l’arsenal législatif préexistant afin de protéger les mineurs de 13 ans.
Finalement, la loi a été adoptée avec un seuil d’âge de non-consentement relevé à 15 ans. Pour les cas d’inceste, cet âge s’élève à 18 ans.
Toujours dans cet esprit de protéger les « amours adolescentes », la clause dite « Roméo et Juliette » a été ajoutée. Clivante, cette dernière ouvre la possibilité à des relations sexuelles entre un adolescent et un adulte si le couple a moins de cinq ans de différence.