Non, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne nous permet pas de ne pas payer d’impôts, au contraire
Auteur : Hugo Guguen, juriste
Relecteur : Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public à l’université de Poitiers
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Compte Facebook, le 12 octobre 2024
S’il est vrai que l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose que les citoyens ont le droit de “consentir librement” à la contribution publique, ce consentement ne nous exonère pas de payer nos impôts, loin de là. Invoquer cet article pour refuser de payer ses impôts est même très dangereux au regard des sanctions pouvant être imposées pour fraude fiscale.
Le droit français possède-t-il une faille permettant aux citoyens de ne pas payer leurs impôts ? C’est ce que soutient un internaute qui explique avoir invoqué l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui, selon lui, “permet de ne pas consentir” aux impôts.
Dans son post, l’internaute assure en effet ne pas consentir à “ce système esclavagiste et illégal”, et raconte avoir porté plainte contre les agents administratifs des impôts ayant ordonné une saisie administrative à tiers détenteur (SATD) à son égard.
Un jeu dangereux qui en vaut la chandelle ? Certainement pas au regard du droit en France. Cette conception d’un droit de consentir ou non aux impôts est grossièrement fausse, voire dangereuse.
La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ne permet pas de ne pas payer d’impôts. Au contraire, elle souligne la nécessité de le faire ! L’article 13 du texte dispose ainsi que “pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable”.
L’article poursuit en précisant que cette contribution publique “doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés”. Cela signifie que le paiement des impôts est considéré comme un devoir civique, comme le rappelle la charte des droits et devoirs du citoyen français.
Cet effort commun, à travers un versement obligatoire et sans contrepartie aux administrations publiques, permet le financement des différents services publics et le bon fonctionnement de la société française, rappelle le site de Vie publique.
Une confusion autour du “droit de consentir” du citoyen
En réalité, l’internaute fait une confusion autour du droit de consentir ou non à l’impôt. Ce principe provient bien de l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Le texte dispose que “tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée”. Jusque-là, rien d’anormal.
Cette expression du consentement à l’impôt se fait actuellement au travers des représentants des citoyens. En donnant son consentement, le Parlement apporte également celui des citoyens qu’il représente.
Ce principe de consentement à l’impôt est consacré par la Constitution française de 1958 qui, dans son préambule, renvoie directement à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. L’article 34 de la Constitution précise que la création, la suppression ou la modification d’un impôt doit se faire par le biais d’une loi. C’est ainsi que les députés consentent à l’impôt. Et ce, même lorsque la loi est à l’initiative du gouvernement et est imposée par 49.3. En effet, si une motion de censure n’aboutit pas à la suite du 49.3, il est considéré juridiquement que les députés ont donné leur consentement. Et donc, celui des citoyens.
S’il est entièrement possible d’être désappointé de l’utilisation de cette contribution commune et du travail des députés, le paiement des impôts demeure une obligation, dont le retard ou le manquement peut entraîner de sérieuses conséquences juridiques.
Une confusion qui peut coûter cher
Invoquer l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen pour refuser de payer ses impôts n’a jamais été couronné de succès et envisager de le faire revient à s’exposer à de nombreux risques et sanctions. En France, le Code général des impôts et le Livre des procédures fiscales encadrent ces sanctions en cas de non-paiement des impôts.
Dans un premier temps, des pénalités financières peuvent être imposées. Ces dernières prennent la forme d’une majoration de 10 % pour retard de paiement ainsi que des intérêts de retard de 0,20 % par mois.
Si les impôts ne sont toujours pas payés après plusieurs relances, l’administration fiscale peut mettre en œuvre des mesures de recouvrement forcé, telles que des saisies sur salaire ou sur compte bancaire, ou une inscription d’hypothèque sur les biens immobiliers.
Dans le cas où la fraude fiscale est intentionnelle, les auteurs encourent une peine de cinq ans d’emprisonnement et une amende de 500 000 euros, « dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction ». Dans certains cas, une interdiction professionnelle peut également être mise en place.
Une erreur dans ce contenu ? Vous souhaitez soumettre une information à vérifier ? Faites-le nous savoir en utilisant notre formulaire en ligne. Retrouvez notre politique de correction et de soumission d'informations sur la page Notre méthode.