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La comète 3I/ATLAS (le point blanc brillant) capturé par la sonde ExoMars TGO de l'Agence spatiale européenne, le 3 octobre 2025, alors que l'astre passe à proximité de la planète Mars. Crédits : Agence spatiale européenne

Non, il n’y a toujours pas de preuves que la comète 3I/ATLAS est d’origine extraterrestre

Création : 13 octobre 2025

Auteur : Nicolas Turcev, journaliste

Relecteur : Clara Robert-Motta, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Nicolas Turcev, journaliste

Source : Compte Facebook, le 5 octobre 2025

Plusieurs internautes croient avoir repéré des anomalies qui prouveraient l’origine extraterrestre d’une comète. Mais d’après les astrophysiciens, l’astre interstellaire ne présente pour l’instant aucun attribut anormal.

Plus elle est observée, plus cette comète qui traverse notre région de l’espace alimente les fantasmes de vie extraterrestre. Repéré début juillet, l’astre 3I/ATLAS est le troisième objet d’origine interstellaire – c’est-à-dire qui vient d’une autre région de l’espace – observé par l’homme à traverser notre système solaire.

Le visiteur est rapidement devenu la coqueluche de certains internautes qui s’interrogent sur sa possible origine extraterrestre. Chaque observation de la comète donne lieu à des interprétations visant à prouver qu’il ne s’agit pas d’un simple rocher. Sauf que ces dernières sont incorrectes.

Une curieuse image … qui n’est pas celle de la comète

Début octobre, la comète est passée à son plus proche point de la planète Mars. Au même moment, la Nasa, qui avait pointé les caméras de son véhicule martien, le rover Perseverance, vers le ciel, a publié une étrange photo. Le cliché, pris le 4 octobre 2025, montre un cylindre de lumière blanc qui se détache d’un fond en bruit blanc.

Pour de nombreux internautes, cette capsule serait la comète 3I/ATLAS, observée par Perseverance dans le ciel martien. Seul hic : les comètes ont une forme plutôt sphérique. Surtout, elles présentent un dégagement gazeux qui permet de les identifier. Or, aucune chevelure de comète n’est visible sur le cliché. Certains observateurs ont donc conclu que 3I/ATLAS ne serait pas une comète, mais pourrait, en réalité, être une sonde ou un vaisseau extraterrestre.

Sauf qu’il existe une autre possibilité : le cliché de la Nasa ne montre pas 3I/ATLAS. L’agence spatiale états-unienne n’a jamais confirmé que son rover avait capturé la comète. Contactée par Les Surligneurs, elle n’avait pas répondu à nos sollicitations au moment de la publication. Les États-Unis traversent actuellement un « shutdown » des services publics, qui entrave le fonctionnement des agences fédérales comme la Nasa.

Mais d’autres scientifiques se sont penchés sur le mystère du cylindre blanc. L’astronome à l’université de Columbia, David Kipping, affirme qu’il s’agit en réalité de la lune martienne Phobos, tout comme l’astrophysicien espagnol Josep Maria Trigo Rodríguez.

D’après ce dernier, la forme allongée de Phobos, une lune sphérique, « est produit par le mouvement apparent d’un objet lumineux pendant une photo en pose longue ». Autrement dit, le cliché de Perseverance a été pris avec un appareil dont l’objectif est resté ouvert suffisamment longtemps pour que la rotation de Mars « allonge » la lumière produite par Phobos. D’où cette forme cylindrique qui intrigue les internautes.

Ce type de visuel est bien connu des amateurs de photographies spatiales. Sur les photos à pose longue du ciel nocturne, la lumière émise par les étoiles décrit une trajectoire circulaire qui correspond à la rotation de la Terre. De précédentes images de Phobos prises depuis Mars, cette fois par le rover Curiosity, montrent le même cylindre blanc perché dans le ciel.

3I/ATLAS n’émet pas sa propre lumière

Certains internautes affirment ensuite que 3I/ATLAS pourrait émettre sa propre lumière. Un comportement jusque-là jamais observé chez les comètes. Encore une fois, cette hypothèse est censée accréditer l’idée qu’il pourrait s’agir d’un vaisseau alien. On la doit à Avi Loeb, un astrophysicien états-unien affilié à l’université de Harvard, qui a, le premier, suggéré que 3I/ATLAS puisse provenir d’une civilisation extraterrestre.

Mais les calculs qu’il présente sur son blog ne tiennent pas la route, selon Jason Wright, astronome à l’Eberly College of Science. « Il n’existe aucune raison de penser que [3I/ATLAS] émet sa propre lumière », écrit le scientifique dans un article réfutant les thèses d’Avi Loeb.

D’après Jason Wright, la méthode mathématique employée par son ancien collègue déforme les données obtenues par le télescope Hubble, consignées dans une étude mise en ligne le 20 août 2025.

Avi Loeb va jusqu’à faire l’impasse sur l’un des graphiques contenus dans ce document qui contredit ses conclusions, observe Jason Wright. Le schéma en question « montre un [profil de] luminosité qui correspond aux attentes » pour les comètes, écrit le chercheur de l’Eberly College of Science.

Il est rejoint dans son analyse par la planétologue de renommée mondiale Heidi Hammel, vice-présidente de l’Association of Universities for Research in Astronomy, un consortium d’universités qui travaille avec les plus grands observatoires, dont le télescope spatial Hubble, mais aussi par d’autres confrères comme Qicheng Zhang, postdoctorant en astronomie et spécialiste de l’étude des petits corps célestes.

Les comètes ne sont pas détruites par les éruptions solaires

Enfin, certains internautes relèvent, d’après les prédictions d’un modèle de la Nasa, que 3I/ATLAS a probablement été frappé, fin septembre, par une éruption solaire. « Mais 3I/ATLAS a survécu ! », s’étonne un internaute, selon lequel ce phénomène, appelé « éjection de masse coronale » (EMC), serait pourtant capable de « briser [le] noyau » d’une comète.

D’après la publication, la « résistance incroyable » du voyageur interstellaire pourrait s’expliquer par son « noyau exceptionnellement dense et peu volatile », « une croute externe servant de bouclier » et des « mécanismes internes capables de dissiper l’énergie du soleil ». Autant d’attributs qui rendraient 3I/ATLAS « plus robuste que la plupart des comètes connues ». De quoi alimenter la spéculation : « Et si certains objets interstellaires cachaient une technologie ou une structure artificielle ? », se demande l’internaute.

Mais rien de tout cela ne tient la route. À ce jour, aucune rencontre observée par l’homme entre une éjection de masse coronale et une comète n’a causé la destruction de l’astre. « Les EMC sont des nuages magnétiques de plasma qui traversent l’espace après l’explosion d’une tache solaire. Le gaz contenu dans une CME n’est pas très dense, donc son impact ne pourrait pas détruire le noyau d’une comète », écrit la Nasa sur son site.

Les éruptions solaires peuvent en revanche déconnecter la queue de la comète de son noyau, comme l’ont constaté des scientifiques en 2007. Mais ce phénomène est temporaire : le dégazage à l’origine de la chevelure reprend son cours normal quelque temps après. Le fait que 3I/ATLAS ait survécu à une éruption solaire n’a donc rien de surprenant.

À ce jour, aucune observation de la comète ne suggère une origine extraterrestre. Au contraire, les dernières données récoltées par l’Agence spatiale européenne, début octobre, ont renforcé le consensus scientifique : 3I/ATLAS est bien une comète.