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Voiture électrique attachée à une borne de rechargement - Crédits Kevin B / CC BY SA 3.0

Non, il ne faut pas extraire 225 tonnes de terre pour produire une batterie de voiture électrique de 450 kg

Création : 12 février 2025

Autrice : Maylis Ygrand, journaliste

Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Nicolas Turcev, journaliste

Source : Compte facebook, le 25 août 2024

Selon certains internautes, une batterie de 450 kilogrammes d’une voiture électrique nécessiterait d’extraire 225 tonnes de terre. Cette estimation est, en réalité, largement exagérée selon plusieurs spécialistes interrogés par Les Surligneurs.

225 tonnes. Soit environ la masse d’un avion long-courrier à vide comme l’Airbus 380. Certains internautes affirment qu’il s’agirait là de la quantité de terre extraite pour produire une batterie de voiture électrique de 450 kilogrammes.

« Écologie ok mais une voiture électrique n’est pas écologique vu la tonne de minerai pour fabriquer une batterie », s’offusque un autre internaute. Avec un tel calcul, un kilogramme de matière déplacée contiendrait seulement deux grammes des métaux nécessaires à la confection de la batterie. Il y a de quoi rester pantois.

Alors qu’en est-il ? Une batterie de voiture électrique nécessite-t-elle vraiment d’« extraire 225 000 kg de terre », comme l’affirment diverses publications ? Les Surligneurs déblaient le sujet avec plusieurs spécialistes de la question.

Un nombre exagéré  

Nickel, lithium, cobalt, graphite, manganèse : voilà certains des ingrédients nécessaires pour fabriquer une batterie de voiture électrique. Et « pour récupérer ces matériaux, il va en effet falloir miner », expose Patrice Simon, professeur en sciences des matériaux à l’université de Toulouse.

Miner oui, mais à quel point ? Pour le professeur, ce nombre de 225 000 kg semble « exagéré ». Il est même « injustifiable », pour Philippe Bihouix, ingénieur et spécialiste des ressources non renouvelables : « Selon une fourchette d’hypothèses, je tombe plutôt sur 30 à 50 tonnes. » Soit environ quatre fois moins que l’estimation avancée sur les réseaux sociaux.

Même son de cloche du côté d’Anne-Gwénaëlle Guezennec. L’ingénieure de recherche au Bureau de recherches géologiques et minières donne une fourchette de 30 à 100 tonnes, le poids exact variant selon les différents modèles de batteries de 450 kg qui existent.

Différentes concentrations

Le nombre de 225 tonnes semble donc exagéré. Mais pourquoi y a-t-il tant d’écart entre les fourchettes basse et haute ? Parce que le calcul exact du ratio entre la terre extraite et les matériaux obtenus dépend de beaucoup de paramètres. En premier lieu, toutes les batteries ne sont pas composées de la même façon, chaque modèle « cont[enant] un mix de matériaux et de métaux précis », souligne Philippe Bihouix.

Pour récupérer ces derniers, il faut donc miner mais, là encore, il y a des différences. « Les mines n’ont pas les mêmes concentrations pour chaque matériau et il ne faut pas descendre à la même profondeur », pointe le spécialiste des ressources non renouvelables.

Quand certaines mines ont un fort taux de concentration d’un métal, d’autres en ont un bien plus faible. Les données sur le sujet étant diverses et variées, « il y a une marge d’erreur car il y a un maximum et un minimum, développe Anne-Gwénaëlle Guezennec, j’ai donc pris une valeur médiane pour faire ces calculs ».

De plus, tous les métaux nécessaires à la fabrication d’une batterie de voiture électrique ne sont pas extraits des mines. « Il y a par exemple une grande partie de l’acier ou de l’aluminium qui va venir du recyclage, le calcul que j’ai fait est donc exagéré par rapport à la réalité », explique l’ingénieure de recherche.

Un réel impact sur l’environnement

Bien que le nombre avancé par certains internautes — déjà débunké par l’AFP et 20 minutes — soit exagéré, il n’en reste pas moins qu’il décrit une réalité. La voiture électrique n’est, en effet, pas sans incidence sur l’environnement.

« Pour produire n’importe quel objet, on a besoin de matières premières. Et ces matières premières ont un impact sur notre planète. C’est vrai pour la voiture électrique, pour le téléphone portable que je tiens dans ma main, pour l’ordinateur portable que j’ai sur mes genoux », rappelle Anne-Gwénaëlle Guezennec.

Pour atténuer les conséquences néfastes de la production de batteries, le professeur Patrice Simon invite à « être vigilant, et s’assurer que l’extraction soit faite dans des bonnes conditions, dans le respect de l’environnement ».