Non, cette photo ne montre pas des femmes yézidies défilant dans les rues de Mossoul
Autrice : Maylis Ygrand, journaliste
Relectrice: Clara Robert-Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Clara Robert-Motta, journaliste
Source : Compte Facebook, le 26 mai 2025
Depuis de nombreuses années, des internautes partagent sur les réseaux sociaux une photographie qui montrerait des femmes yézidies défilant dans les rues de Mossoul, en Irak, avant qu’elles ne soient prétendument brûlées vives. Mais cette image a été détournée de son contexte et montre en réalité une manifestation en Égypte.
Innommable. Depuis de nombreuses années, une photo présentant plusieurs femmes dans une cage fait le tour des réseaux. Selon certains internautes, elle montrerait le défilé de « jeunes filles yézidies […] dans les rues de Mossoul, en Irak » avant qu’elles ne soient « brûlées vives dans une cage en fer par l’État islamique pour avoir refusé de se convertir à l’islam et de devenir esclaves sexuelles ».
Devenue virale, cette image a également été reprise par Jean Messiha, homme politique d’extrême droite aux plus de 300 000 followers sur X, en novembre 2024.
Pourtant, cette photographie n’a pas été prise à Mossoul mais à plusieurs centaines de kilomètres de là… en Égypte. Et les femmes en question ne sont pas des prisonnières mais des manifestantes. Explications.
Une manifestation après le coup d’État en Égypte
Une recherche d’image inversée plus tard, Les Surligneurs retrouvent un article du média égyptien Sharkia Today, datant du 6 décembre 2013, qui identifie cette même photo comme montrant « les filles se sont mises dans une cage de fer lors d’une marche solidaire avec les ‘Filles d’#Alexandria‘ ».
Un papier du journal égyptien Shorouk News publié le 6 décembre 2013 rendait aussi compte d’une manifestation en soutien au président déchu Mohamed Morsi. L’illustration du papier saute aux yeux. Tout comme la photo publiée sur les réseaux sociaux, celle-ci présente des femmes habillées de hijab blanc dans une cage en fer.
De la même façon que l’article de Sharkia Today, il est ici question d’« étudiantes affiliées aux Frères musulmans, vêtues de blanc, [qui] se sont placées à l’intérieur d’une maquette de cage en fer montée sur une voiture », explique l’article de Shorouk News.
Plusieurs détails permettent de confirmer qu’il s’agit bien de la même manifestation et des mêmes femmes prises en photo sous un autre angle.
Tout d’abord, les deux photographies présentent une cage qui n’est pas fermée. De plus, dans les deux cas, la cage est installée sur un pick-up. En effet, dans la photo diffusée par Shorouk News, il est possible d’apercevoir la vitre du pick-up au fond de l’image. Une même sangle verte, accrochée devant la cage, est également présente sur les deux images.
Enfin, un autre détail attire l’œil : le symbole collé sur le vêtement d’une des femmes. Une main noire, avec quatre doigts en l’air et le pouce replié, sur un fond jaune.
- Photo qui circule sur les réseaux sociaux. Cerclé de jaune, le “R4bia” brandi sur une affiche et présent sur le vêtement d’une des manifestantes. Cerclé de vert, la sangle verte.
- Photo qui illustre l’article de Shorouk News. Cerclé de jaune, le “R4bia” présent sur le vêtement d’une des manifestantes. Cerclé de vert, la sangle verte. Cerclé d’orange, la vitre du pick-up.
Or, ce symbole, le « R4bia », est un signe de ralliement des sympathisants des Frères musulmans en Égypte. Il est également arboré en référence à la répression sanglante de la place Rabia al Adawiyya. Le 14 août 2013, les forces de l’ordre avaient tué entre 800 et 900 manifestants lors d’un sit-in au Caire pour dénoncer le coup d’État contre le président élu Mohamed Morsi.
Sur l’image diffusée sur les réseaux sociaux, le symbole est également présent sur une affiche que brandit une personne à côté du pick-up.
Selon l’article de Shorouk News, la photographie aurait été justement prise à l’occasion d’ »une marche de partisans du président déchu Mohamed Morsi dans la ville d’Abu Al-Matamir », en Égypte.
Les « 7 am girls »
Les femmes, présentes sur les différentes images, se seraient mises dans cette cage en solidarité avec les « 7 am girls ». D’après le média Al Jazeera, ce surnom avait été donné aux 21 femmes accusées et condamnées pour avoir participé à une marche pacifique en soutien à Mohamed Morsi. « 7 am », 7 heures du matin en français, faisait référence à l’heure où les manifestantes avaient commencé à défiler.
Autre point sur lequel éclaire Al Jazeera : les vêtements blancs portés par les manifestantes. Ce serait en effet la tenue donnée aux prisonniers en Égypte.
Si, en août 2014, le groupe État islamique a envahi la région du Sinjar, en Irak, et a bel et bien réduit en esclavage sexuel de nombreuses femmes yézidies, selon l’ONG Yazda, la photographie qui circule sur les réseaux sociaux n’a donc rien à voir avec ce contexte.
Plusieurs articles de fact-checking ont déjà été écrits (ici ou ici) montrant que la légende identifiant l’image en Irak est fausse.