Capture d'écran Facebook

Non, ces photographies de la statue de la Liberté ne sont pas un indicateur fiable de l’élévation des océans

Création : 16 décembre 2024

Autrice : Lili Pillot, journaliste

Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste

Source : Compte X, le 10 décembre 2024

Sur les réseaux sociaux, des internautes comparent ironiquement deux images de la statue de la Liberté avec le même niveau d’eau, insinuant que l’augmentation du niveau de la mer est un mythe. Mais les photographies du monument, notamment à cause des marées, ne peuvent pas être un indicateur fiable de l’élévation du niveau des océans sur le globe.

Comme pour la pierre de Plymouth, la constance du niveau de l’océan au pied de la statue de la Liberté serait la preuve qu’il n’y a pas une élévation globale du niveau de la mer. Et, par conséquent, le réchauffement climatique serait un mythe. Certains internautes en veulent pour preuve un comparatif de deux clichés du monument — soi-disant prises avec un peu plus de cent ans d’écart, une en 1898, l’autre en 2017 — avec un niveau d’eau équivalent.

Sur les réseaux sociaux, la comparaison circule sous forme de mème. « À écouter les alarmistes climatiques, depuis des décennies, cela fait longtemps qu’elle devrait avoir les pieds dans l’eau, la statue de la Liberté », ironise l’un des internautes convaincus de cette théorie.

Que nous disent vraiment ces photos ?

Capture d’écran Facebook

 

Tout d’abord, ces images ont-elles vraiment cent ans d’écart ? D’après l’AFP qui a vraisemblablement retrouvé l’image d’origine sur le site du musée de la ville de New York, la première image daterait d’environ 1900. L’AFP a pu retrouver les métadonnées de la seconde image et la date de 2012.

Si les clichés aux niveaux d’eau équivalents semblent bien avoir un siècle d’écart, cela prouve-t-il pour autant qu’il n’y a pas eu d’évolution du climat et du niveau des océans, comme le martèle pourtant très régulièrement la quasi-totalité des scientifiques ? Partir de ce postulat, c’est occulter un phénomène plus que déterminant : les marées.

Des photos incomparables

« Le niveau de la mer n’évolue pas de mètre en mètre — mais plutôt par centimètres — donc ce n’est pas en prenant ces deux photos comme référence qu’on peut voir l’évolution de la mer », balaie Sabrina Speich, océanographe et professeure à l’École normale supérieure de Paris.

Comme d’autres chercheurs interrogés dans les médias, Sabrina Speich nous confirme que cette théorie basée sur la comparaison des deux images est d’abord contrecarrée par le phénomène naturel que sont les marées. « On ne peut pas comparer ces deux situations sans savoir exactement quel jour et à quelle heure elles ont été prises », développe-t-elle.

De plus, la chercheuse nous interpelle sur les données accessibles en ligne concernant la montée des eaux à New York.

D’après un graphique du National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) — un organisme états-unien responsable de l’étude des océans — il y a une hausse constante du niveau des eaux à la pointe sud de Manhattan, depuis 1860.

Selon l’observatoire, le niveau de l’océan a augmenté de 0,96 pied — soit 30 centimètres — en cent ans dans cette zone centrale de New York. « On est plutôt à 20 centimètres au niveau du globe », ajoute la spécialiste que nous avons interrogée.

Graphique du NOAA représentant la tendance du niveau relatif de la mer à la pointe sud de Manhattan, depuis 1860 jusqu’à nos jours.

 

Selon William Sweet, océanographe rattaché au NOAA, l’augmentation du niveau de l’eau va probablement s’accélérer. « Le niveau de la mer le long des côtes américaines augmentera de 10 à 126 pouces [soit 25,4 à 320,04 centimètres, ndlr] au cours des trente prochaines années ou d’ici à 2050, par rapport au niveau actuel », a-t-il expliqué dans un podcast de l’organisme.

Enfin, il est important de noter que se focaliser sur un lieu en particulier — ici la statue de la Liberté — ne permet pas d’en déduire une réalité plus globale à l’échelle de la planète. Cet article du NOAA permet de comprendre que si sur certains littoraux états-uniens, comme l’Alaska, le niveau de l’océan baisse, il augmente fortement dans des zones plus au sud, comme au niveau du golfe du Mexique.

New York, zone très vulnérable aux ouragans et inondations

Au-delà de tous ces rappels scientifiques, il est important de noter que New York est très régulièrement — et de plus en plus — frappé par des phénomènes climatiques extrêmes, avec des dégâts tant matériels et économiques qu’humains. Nier ces événements serait dangereux.

Coincée entre l’océan Atlantique, l’East River et l’Hudson River, la ville fait régulièrement les frais de grosses inondations et d’ouragans.

En 2012, l’ouragan Sandy a fait 44 morts dans la capitale économique des États-Unis et provoqué la destruction d’environ 300 maisons. Depuis, des catastrophes similaires se sont répétées à New York, en 2021 et en 2023, prouvant que ces phénomènes extrêmes deviennent une normalité.

Pour tenter d’éviter une future submersion, la ville construit un mur “anti-inondations”. Cet outil de visualisation permet de comprendre quels quartiers de la Grosse Pomme pourront être touchés, en fonction de l’importance du phénomène.

Avec tous ces éléments en tête, difficile de continuer à penser que quelques coups d’œil en direction de la statue de la Liberté seront l’assurance qu’aucune montée des eaux n’est à prévoir sur le globe.

 

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