Non, adhérer à l’Union européenne n’implique pas “un abandon de souveraineté économique française”
Auteur.es : Lili Pillot, journaliste et Vincent Couronne, docteur en droit européen, enseignant à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Hugo Guguen, juriste
Source : Compte Instagram, le 6 septembre 2024
Sur Instagram, une internaute affirme que l’adhésion à l’Union européenne imposerait aux États l’abandon du contrôle de leurs frontières et une perte de leur souveraineté économique. Des affirmations qu’il faut largement nuancer.
Idée reçue sur idée reçue. Après avoir qualifié la Constitution européenne d’acte “imposé”, ce qui est juridiquement faux comme nous le rappelons dans cet article, une vidéaste politique affirme que ce texte “implique l’abandon de la souveraineté de la France, l’abandon du contrôle sur nos frontières, l’abandon du contrôle sur notre économie nationale…”
En effet, plus que les débats entourant la valeur constitutionnelle ou non des traités européens, leurs conséquences sur la souveraineté nationale des pays de l’UE sont souvent décriées. Aux Surligneurs, nous connaissons bien ces questions, que nous avons déjà traitées ici, ou encore là.
Cette vidéo, où notre internaute accuse le traité de Lisbonne d’obliger les pays — et donc la France — d’abandonner leur souveraineté, est l’occasion de rappeler que la réalité est beaucoup plus nuancée.
La France a toujours un pouvoir de contrôle sur ses frontières
L’espace Schengen existait déjà avant le traité de Lisbonne, tout comme les grandes orientations des politiques économiques. Il est établi qu’avant le traité adopté en 2007, il existait déjà une libre circulation des biens et des personnes sur le territoire de l’UE, régie par des règles établies. L’évolution qu’apportait le projet de Constitution européenne était de donner une certaine centralité à la concurrence. Mais finalement, le traité de Lisbonne l’a remis à sa place initiale.
Au sujet de l’économie, l’UE a des compétences assez limitées. Elle a certes une compétence assez étendue concernant l’organisation des mesures commerciales et du marché européen, notamment pour réguler la libre circulation des biens.
En revanche, pour des mesures liées à l’emploi, au salaire ou encore aux retraites, l’UE a peu de compétences. Notamment, les grandes orientations de politique économique prévues à l’article 5 du Traité sur le fonctionnement de l’UE, qui sont édictées par le Conseil de l’Union européenne, qui réunit les ministres des États membres, ne sont pas contraignantes, comme le rappelle l’article 288 TFUE. En ce qui concerne le pouvoir de contrainte juridique, l’Union est assez faible sur ces sujets.
Un contrôle possible des frontières en cas de danger
Concernant le contrôle aux frontières, enfin, il existe pour les États membres un moyen de limiter la totale circulation des personnes, “en invoquant des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique”, comme nous l’avons déjà écrit en 2021. Un levier utilisé par la France depuis 2015 et les attentats du 13 novembre. Le Conseil d’État s’est même écarté en 2022 de la position de la Cour de justice de l’Union européenne, en autorisant le Gouvernement à prolonger les contrôles aux frontières.
Pour conclure, il est important de rappeler que le transfert vers l’UE de certains pouvoirs, qui ressortaient autrefois de l’échelon national, n’a été possible que parce que la France est un État souverain et qu’elle a consenti à ce transfert de pouvoirs. Du reste, il est aussi possible de sortir de l’Union européenne.
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