Nicolas Dupont-Aignan : “on n’impose pas de prendre un vaccin dont le fabricant se désengage de toute responsabilité”

Création : 10 juillet 2021
Dernière modification : 22 juin 2022

Auteur : Robin Triqueneaux , master politiques de prévention et de sécurité, Sciences Po Saint-Germain-en-Laye

Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit, Université Paris-Saclay

Source : La Matinale de CNews, 6 juillet 2021

D’abord les vaccins restent toujours sous surveillance après mise sur le marché, c’est donc une phase de test post-autorisation très courante. Ensuite, le principe reste celui d’une responsabilité exclusive des laboratoires en cas d’effet secondaire. Le contrat n’a fait que ménager une exception en cas d’incident imprévisible.

Le président de Debout la France a estimé sur CNews qu’il était moralement et éthiquement impossible d’imposer une vaccination anti-covid aux Français, parce que les vaccins se trouveraient toujours en phase d’étude, et en raison de l’irresponsabilité dont bénéficieraient les laboratoires fabricants. Il craint un grand nombre d’effets secondaires.

Deux éléments se distinguent de la déclaration de Nicolas Dupont-Aignan : le fait que les vaccins seraient dans une phase d’étude, ce qui induirait une dangerosité potentielle, et l’irresponsabilité juridique présumée des laboratoires les ayant créés. 

Les phases de test après mise sur le marché sont courantes

D’abord, la phase de test dont parle Nicolas Dupont-Aignan est certes toujours en cours (jusqu’en 2023 pour Pfizer et jusqu’en 2022 pour Moderna), mais elle constitue une phase classique de mise à disposition de vaccins sur le marché. Il s’agit d’une phase d’évaluation continue dénommée “phase IV post-autorisation de mise sur le marché” dont le but est d’évaluer les effets à long terme des vaccins, ainsi que l’efficacité sur les variants et la durée d’immunité qu’ils confèrent. Ces phases de test après la mise sur le marché sont courantes pour tout médicament.

Rappelons aussi que les vaccins contre le covid disponibles sur le marché ont tous, au préalable, passé les trois phases de tests, et que l’administration de médicaments en phase de test n’est en tout état de cause pas illégale : après leur commercialisation, les médicaments continuent à faire l’objet d’un suivi strict à long terme. Ainsi, le fait que les vaccins anti-covid soient toujours en phase d’étude ne constitue en rien un obstacle à leur commercialisation.

En principe, les laboratoires sont les seuls responsables des effets secondaires

Nicolas Dupont-Aignan affirme ensuite que les laboratoires pharmaceutiques se seraient désengagés de toute responsabilité en cas d’effets secondaires. La Commission européenne, qui a négocié les contrats d’achat de vaccins, a répondu de façon catégorique : la responsabilité demeure celle des entreprises. C’est le sens de la directive de la CEE de 1985 « relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux »

Cette responsabilité des fabricants a été transposée en droit français par les articles 1245 à 1245-17 du code civil sur la « responsabilité du fait des produits défectueux ». Conséquence, en cas de plainte, il appartient aux laboratoires de prouver “que l’état des connaissances scientifiques et techniques (…) n’a pas permis de déceler l’existence du défaut, sans quoi ils sont responsables. La directive précise également que la responsabilité du fabricant ne peut être limitée ou écartée à l’égard de la victime par une clause limitative ou exonératoire de responsabilité » (article 12). 

La directive de 1985 a d’ailleurs déjà servi lors d’un contentieux opposant une personne vaccinée contre l’hépatite B et qui s’est trouvée atteinte de sclérose en plaques, aux laboratoires Sanofi Pasteur et GlaxoSmithKline en 2017. La Cour de Justice de l’UE avait alors déclaré les laboratoires responsables,  jugeant que, « en l’absence de consensus scientifique, le défaut d’un vaccin et le lien de causalité entre celui-ci et une maladie peuvent être prouvés par un faisceau d’indices graves, précis et concordants ».  

Alors d’où vient la confusion ?

En droit, tout fabricant de médicament est responsable des effets secondaires sur le patient. Mais les laboratoires ont fait pression, au moment où ils ont négocié les contrats de vente avec l’Union Européenne, en demandant  que les risques financiers soient partagés en cas de plainte de patients. Ils ont invoqué pour cela les délais restreints de conception des vaccins. Il a donc été convenu que les « États membres indemnisent le fabricant pour les éventuelles responsabilités encourues, uniquement dans les conditions spécifiques définies dans les contrats d’achats anticipés ». On retrouve cette clause déjà à l’alinéa 14 du contrat passé entre Astra zeneca et la Commission européenne.

L’UE peut donc en effet, en cas de plainte d’une personne vaccinée contre un laboratoire, contribuer à l’indemnisation du plaignant selon les conditions fixées dans le contrat. Mais uniquement en cas d’incident impossible à anticiper. Ce sera au laboratoire de démontrer que cette anticipation était impossible, tout comme il devra être en mesure de démontrer qu’à chaque instant il a fait preuve de transparence sur les effets secondaires constatés.

Donc les laboratoires ne sont pas irresponsables, ni juridiquement ni financièrement. Si les contrats de négociation entre l’UE et les laboratoires n’ont pas tous été rendus publics ou le sont de façon expurgée, les quelques éléments rendus publics par la Commission européenne tendent à montrer que les règles de l’UE en matière de responsabilité du fait des produits ont bien été respectées. Reste qu’un peu plus de transparence de la part de la Commission aurait, il est vrai, coupé court à toutes les rumeurs. 

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