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Crédit : capture d'écran Facebook

Ni la Côte d’Ivoire, ni l’Algérie n’ont été placés sur une « liste noire » par l’Union européenne

Création : 18 juin 2025

Auteur : Nicolas Kirilowits, journaliste

Relecteur : Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Clarisse Le Naour, Double cursus L3 science politique et L3 droit public à l’université Lumière Lyon II

Source : Compte Facebook, le 11 juin 2025

L’Union européenne a récemment mis à jour sa liste des pays à haut risque en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Dix nouveaux pays y figurent désormais, dont la Côte d’Ivoire et l’Algérie. Mais la référence à une « liste noire » est inexacte.

 

Infréquentable ? D’après certaines publications sur les réseaux sociaux,« la Côte d’Ivoire figure en 3e position sur la liste noire de blanchiment d’argent et financement du terrorisme » établie par l’Union européenne. L’Algérie, quant à elle, y aurait également fait son entrée. Ces affirmations, bien que frappantes, reposent sur une interprétation erronée.

Certes, la Commission européenne a bien mis à jour en juin 2025 sa liste des pays jugés à haut risque en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Dix nouveaux États y ont été ajoutés, parmi lesquels figurent effectivement la Côte d’Ivoire et l’Algérie.

Toutefois, cette liste ne constitue en aucun cas une « liste noire » au sens strict. L’expression, aussi sensationnaliste que trompeuse, ne correspond ni à la terminologie employée par l’Union européenne, ni à la réalité du mécanisme en question.

Une liste noire inventée

Pour motiver ses décisions, la Commission européenne indique s’appuyer sur les travaux du Groupe d’action financière (GAFI), et plus précisément sur sa liste des « juridictions faisant l’objet d’un suivi renforcé ».

Dans un règlement publié le 10 juin 2025, elle explique que, lors de sa réunion plénière d’octobre 2024, le GAFI a ajouté l’Algérie, la Côte d’Ivoire, l’Angola et le Liban à cette liste, tandis que le Sénégal en a été retiré.

C’est donc en cohérence avec cette actualisation que l’Union européenne a procédé aux mêmes ajouts dans sa propre liste des États à haut risque, comme l’a confirmé un porte-parole de la Commission auprès des Surligneurs.

Il est vrai que le GAFI emploie lui-même le terme de « liste noire », mais celle-ci est strictement réservée à une poignée de pays — la Corée du Nord, l’Iran et la Birmanie — considérés comme non coopératifs et présentant des risques graves pour le système financier international.

La Côte d’Ivoire et l’Algérie, elles, sont inscrites sur ce que l’on appelle communément la « liste grise », soit celle des pays soumis à « une surveillance renforcée ». Il s’agit de pays qui, bien qu’ayant des lacunes stratégiques dans leurs dispositifs de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, « travaillent activement pour remédier aux déficiences stratégiques de leur régime de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et le financement de la prolifération », indique le GAFI.

Pas de sanctions, mais des contrôles supplémentaires

Concrètement, l’ajout à cette liste ne s’accompagne d’aucune sanction. Les pays membres de l’Union doivent toutefois appliquer des mesures de vigilance renforcée dans leurs relations avec les personnes physiques ou morales établies dans ces juridictions à risque.

Les États membres doivent ainsi, conformément aux obligations inscrites dans la directive européenne connexe, « appliquer des mesures de vigilance renforcée » à l’égard de leurs relations avec des personnes et des entités présentent dans les pays considérés à « haut risque ».

Cela passe notamment par l’injonction faite à leurs établissements de crédits et financiers d’effectuer « des contrôles et une surveillance supplémentaire en cas de flux financiers afin de prévenir, de détecter et de perturber les transactions suspectes ou d’obtenir des informations complémentaires sur le client et le bénéficiaire effectif », précise un porte-parole de la Commission aux Surligneurs.

La mise à jour de la liste « entrera en vigueur après examen et non-objection du Parlement européen et du Conseil dans un délai d’un mois qui peut être prolongé d’un mois », rappelle enfin la Commission. En avril 2024, le Parlement européen avait rejeté une précédente demande de modification. Autrement dit, la Côte d’Ivoire et l’Algérie n’ont pas encore officiellement intégré la liste des pays à haut risque de la Commission.