Les Surligneurs est un média indépendant qui lutte contre la désinformation juridique.

rubriques
Crédits photo : Kevin.B, CC 4.0

Mort de Nahel : non, le policier mis en cause ne risque pas la perpétuité même s’il a menti sur les circonstances du drame

Création : 19 juin 2025
Dernière modification : 18 juin 2025

Autrice : Clarisse Le Naour, Double cursus L3 science politique et L3 droit public à l’université Lumière Lyon II

Relecteurs : Jean-Baptiste Thierry, professeur de droit pénal, université de Lorraine

Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Etienne Merle, journaliste

Source : Publication X, le 3 juin 2025

Le policier mis en examen pour le tir mortel sur Nahel Merzouk, survenu le 27 juin 2023 à Nanterre, encourt 30 ans de réclusion criminelle pour meurtre. Contrairement à ce qu’affirment certaines publications sur les réseaux sociaux, il ne risque pas la perpétuité pour avoir prétendument menti sur les circonstances du tir. 

Le 27 juin 2023 à Nanterre, un policier a tiré à bout portant sur Nahel Merzouk, un adolescent de 17 ans, alors que ce dernier conduisait un véhicule sans permis et venait de refuser d’obtempérer lors d’un contrôle routier. Le jeune homme est décédé peu après de ses blessures. Cet événement a suscité une vive émotion dans l’opinion publique et entraîné plusieurs nuits d’émeutes à travers la France. Le policier auteur du tir a été mis en examen pour meurtre.

Depuis, l’affaire a largement été commentée, notamment sur les réseaux sociaux, où circulent des affirmations erronées d’un point de vue juridique. L’une d’elles, particulièrement virale, prétend que le policier encourt la réclusion criminelle à perpétuité s’il était établi qu’il a menti en affirmant que Nahel lui avait foncé dessus. Mais ce raisonnement ne repose sur aucune base juridique.

Le mensonge n’est pas une circonstance aggravante

Le policier est actuellement poursuivi pour meurtre, défini à l’article 221-1 du Code pénal, qui sanctionne le fait de « donner volontairement la mort à autrui ». Ce crime est passible d’une peine maximale de 30 ans de réclusion criminelle. Pour que la peine encourue soit portée à la réclusion criminelle à perpétuité, il faudrait que ce meurtre soit commis dans des circonstances aggravantes listées à l’article 221-4 du même code. Par exemple, le fait de tuer un mineur âgé de moins de 15 ans, un magistrat, un policier, une personne vulnérable ou encore dans le cadre de violences sexuelles. Or, aucune de ces circonstances ne s’applique dans cette affaire.

L’idée selon laquelle le mensonge d’un accusé pourrait entraîner un alourdissement de sa peine relève d’une incompréhension du droit pénal. En France, une personne poursuivie peut mentir pendant l’enquête ou à l’audience sans que cela constitue une infraction ni n’aggrave la qualification des faits. Le mensonge de l’accusé, même avéré, n’a donc aucune incidence sur la peine encourue. Il s’agit là d’une stratégie de défense.

Une confusion avec l’article 221-2 ?

Certains internautes avancent également une autre piste, en évoquant l’article 221-2 du Code pénal. Ce texte prévoit que le meurtre est puni de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’il précède, accompagne ou suit un autre crime. Mais, pour l’heure, cette hypothèse ne tient pas. 

En effet, cette disposition vise la quasi-synchronicité des crimes qui se suivent. Or, en l’espèce, aucun autre crime ne semble avoir été commis dans le même enchaînement d’actes. Même dans le cas hypothétique où un faux en écriture publique, prévu à l’article 441-4 du Code pénal, serait constitué du fait d’un procès-verbal mensonger, ce crime ne serait ni concomitant au tir. Par ailleurs, il ne semble pas que cette infraction soit reprochée au policier dans l’ordonnance de mise en accusation. Il ne saurait donc justifier une éventuelle aggravation de la peine encourue.

L’enjeu de la qualification pénale de l’infraction

Il reste néanmoins possible que la qualification pénale évolue à l’issue de l’instruction et lors du procès devant la cour d’assises, prévu en 2026, selon un communiqué de la cour d’assises des Hauts-de-Seine cité par l’AFP. Deux hypothèses sont juridiquement envisageables : la qualification de meurtre (article 221-1 du CP) qui induit l’intention de tuer et 30 ans de réclusion criminelle encourus et la qualification de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner (article 222-7 du Code pénal) où 15 ans sont encourus. 

Le débat lors du procès portera donc sur l’intention de tuer, que la défense pourrait contester. Pour que le policier encoure la réclusion à perpétuité, il faudrait une requalification en assassinat, autrement dit le meurtre avec préméditation énoncé à l’article 221-3 du code. 

Or, rien à ce stade de la procédure ne permet de retenir une telle préméditation : le tir est survenu dans le cadre d’une intervention policière immédiate, sans élément laissant supposer une anticipation du geste.

 

Vous souhaitez nous soumettre une déclaration à vérifier ? Remplissez notre formulaire en ligne. Les critères pris en compte pour déterminer ce qui peut être « legal-checké » sont consultables sur la page : notre méthode.