Crédit : GUE/NGL (CC 2.0)

Michel Barnier veut organiser des négociations pour les branches professionnelles touchant des minima inférieurs au SMIC

Création : 3 octobre 2024

Auteur : Pascal Caillaud, chargé de recherche CNRS en droit social, université de Nantes

Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, université Paris-Saclay

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste

Source : Michel Barnier à l’Assemblée nationale, le 1er octobre 2024

Le SMIC obéit à des règles légales qui garantissent son augmentation automatique : le Premier ministre n’a fait qu’avancer cette augmentation de deux mois. Quant aux quelques branches où les salaires minima conventionnels sont inférieurs au SMIC, ce dernier s’applique quand même.

À l’occasion de son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale, ce mardi 1er octobre, le Premier ministre, Michel Barnier, a fait référence au SMIC à deux reprises, annonçant d’une part sa revalorisation de 2 %, et d’autre part l’organisation rapide de négociations pour les branches professionnelles dans lesquelles les minima sont inférieurs au SMIC.

Sur ces deux questions, les Surligneurs ont régulièrement eu l’occasion de rappeler les principes et les règles en vigueur, sur lesquelles il nous parait important de revenir une nouvelle fois.

“Coup de pouce” ou simple anticipation d’une obligation légale ?

Créé sous le nom de SMIG en 1950, devenu SMIC en 1970, le salaire minimum interprofessionnel de croissance est une rémunération minimum, s’imposant à tout employeur, et dont le non-respect est puni d’une amende de 1 500 euros. Cette amende est appliquée autant de fois qu’il y a de salariés rémunérés dans des conditions illégales.

Selon le Code du travail, le SMIC est d’abord automatiquement revalorisé selon l’évolution de l’indice national des prix à la consommation, calculé chaque mois par l’Insee et publié au Journal officiel. Chaque année, au 1er janvier, une augmentation du SMIC tient compte de l’évolution annuelle du même indice.

Ensuite, lorsqu’en cours d’année, cet indice des prix à la consommation subit une hausse d’au moins 2 % par rapport à l’indice constaté au 1er janvier de l’année, un arrêté ministériel doit obligatoirement relever le SMIC dans la même proportion le mois suivant.

Du fait de l’inflation des prix, ces dispositions ont donc contraint le gouvernement à augmenter le SMIC à huit reprises depuis le 1er janvier 2021. Cette augmentation se fait alors par un simple décret (augmentation au 1er janvier) ou arrêté (augmentation en cours d’année), après la publication de l’indice.

En fixant l’augmentation au 1er novembre, le Premier ministre ne fait donc qu’avancer une augmentation annuelle automatique qui est avancée de deux mois, ainsi que le confirme d’ailleurs le ministre de l’Économie, précisant également qu’il n’y aura donc pas de deuxième augmentation au mois de janvier prochain. La mesure permettra donc aux salariés au SMIC travaillant 35h par semaine, de gagner sur les deux mois de novembre et décembre, 52 euros nets de plus que si l’augmentation avait eu lieu au 1er janvier 2025, comme la loi le prévoit.

Il faut donc relativiser le “coup de pouce” annoncé. Rappelons en effet que le gouvernement peut décider d’une revalorisation supplémentaire du SMIC allant au-delà de ce qu’exige la loi. C’est ce qu’on appelle dans le langage courant le “coup de pouce”. Mais le dernier coup de pouce a eu lieu le 1er juillet 2012 et pas depuis.

En décembre 2023, le Groupe d’experts sur le SMIC, chargé de remettre au gouvernement et à la Commission nationale de la négociation collective un rapport analysant l’impact du SMIC sur l’économie française, a d’ailleurs préconisé de ne pas procéder à une augmentation hors de la revalorisation automatique.

Des négociations qui existent déjà

C’est aux partenaires sociaux des branches professionnelles qu’il appartient de négocier avec les syndicats les salaires minima hiérarchiques (article L. 2253-1 du Code du travail)  qui devront être pratiqués par les entreprises de cette branche.

Depuis les ordonnances de 2017, ces partenaires sociaux déterminent la périodicité de leur rendez-vous sur cette négociation des salaires. Cette périodicité ne peut être supérieure à quatre ans (article L. 2241-1 du Code du travail). Mieux, si les partenaires sociaux ne se mettent pas d’accord sur ces rendez-vous réguliers, la loi leur impose alors de se retrouver pour négocier sur les salaires tous les ans.

Dans cette négociation, l’État n’est pas partie prenante. Son seul rôle sera d’étendre l’accord, après sa conclusion et à la demande des signataires, c’est-à-dire de le rendre applicable à toutes les entreprises de la branche concernée (article L. 2261-15 du Code du travail) : à cette occasion, le ministre du Travail vérifie que la convention de branche comprend bien des dispositions sur le salaire minimum national professionnel des salariés sans qualification.

Ajoutons que depuis août 2022, la faiblesse du nombre d’accords signés dans une branche assurant un salaire minimum national professionnel pour les salariés sans qualification au moins égal au SMIC est désormais un motif habilitant le ministre du Travail à engager une procédure de fusion des branches concernées (article L. 2261-32 du Code du travail). Une branche inactive en la matière peut donc disparaitre en étant intégrée administrativement à une autre.

Donc la négociation appelée de ses vœux par le Premier ministre existe déjà, et l’État a déjà des moyens de pression sur les branches inactives. Alors pourquoi existe-t-il encore des branches avec minima sous le SMIC ?

En pratique, la fréquence des augmentations du SMIC liée à l’inflation se concilie mal avec la temporalité d’une négociation collective sur les salaires, surtout quand on y ajoute la durée de la procédure d’extension d’un accord indispensable à l’application dans toutes les entreprises de la branche.

Pourtant, les branches négocient constamment sur les salaires minima, avec plus d’efficacité qu’on ne le croit. D’abord, parce que le Code du travail les y oblige : lorsque le salaire minimum d’une branche est inférieur au SMIC, la négociation sur les salaires doit se lancer dans les 45 jours.

De plus, les chiffres du ministère du Travail montrent que cette négociation salariale de branche est active en France : si, en octobre 2023, 60 branches présentaient des salaires minima sous le SMIC, elles n’étaient plus que 12 en mai 2024.

Pour aller encore plus vite et aligner rapidement les minima sur le SMIC, peut-on alors imaginer qu’un accord salarial prévoit une indexation automatique des salaires minima sur les augmentations du SMIC ? Une telle solution est totalement  interdite par le Code du travail depuis 1982, mais le législateur peut lever cette interdiction.

Une application minimale du SMIC

Entre le salaire minimum de branche et le SMIC, tout employeur doit appliquer le plus favorable au salarié. Pour cela, il lui faudra comparer les deux, ce qui n’est pas si simple : toute une série d’éléments de rémunération entre en jeu.

Ainsi, le SMIC s’entend du salaire de base, auquel s’ajoutent les avantages en nature, pourboires, primes de rendement… Seuls sont exclus le remboursement de frais supportés par le salarié, des primes forfaitaires compensant des frais à la charge des salariés dans leur travail (primes de panier, d’outillage, de salissure…), majorations pour heures supplémentaires, pour travail du dimanche, des jours fériés et de nuit, primes d’ancienneté, d’assiduité…

 

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