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Marion Maréchal : « Il faut arrêter et interner administrativement d’urgence tous les islamistes fichés S »

Création : 8 décembre 2023
Dernière modification : 11 décembre 2023

Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public

Liens d’intérêts : aucun

Fonctions politiques ou similaires : aucune

Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay

Liens d’intérêts : aucun

Fonctions politiques ou similaires : aucune

Secrétariat de rédaction : Sasha Morsli Gauthier

Source : Le Figaro, 4 décembre 2023

L’internement administratif sans intervention d’un juge relève de législations de guerre comme la France en a connues, et qui n’ont plus cours. La Constitution garantit la liberté d’aller et venir, et la loi ne pourrait mettre en place une banalisation de l’internement administratif en dehors de circonstances dramatiques.

Peu de temps après l’attentat de Paris près de la Tour Eiffel, commis par un homme fiché S, Marion Maréchal, tête de liste Reconquête! aux prochaines élections européennes, a appelé à « arrêter et à interner administrativement » tous les fichés S islamistes. Un projet qui peut vite tourner à l’arbitraire.

L’internement administratif, une procédure de temps de guerre

L’internement administratif se distingue de la détention provisoire liée à la commission présumée d’un délit ou d’un crime. Il n’est pas décidé par un juge mais par arrêté du préfet ou du ministre de l’Intérieur. C’est une mesure exceptionnelle visant à priver de liberté d’aller et venir un individu qui présente un danger pour la sécurité publique. L’individu peut être soit assigné à résidence, soit placé dans un centre d’hébergement. Le ministre de l’Intérieur ou le préfet peuvent émettre un arrêté d’internement administratif s’ils l’estiment nécessaire. Reste que cette procédure n’existe plus. Elle a été instaurée par un décret du 18 novembre 1939 découlant d’une loi du 19 mars 1939 tendant à accorder des pouvoirs spéciaux au Gouvernement et d’une autre loi du 11 juillet 1938 sur l’organisation générale de la nation pour le temps de guerre.
Cette procédure fut massivement mise en oeuvre durant le régime de Vichy qui la remit en vigueur par une loi du 3 septembre 1940. Elle fut conservée par le Gouvernement provisoire après la Libération jusqu’à « la fin des hostilités » (décret du 4 octobre 1944). Cette procédure ressurgit enfin avec une ordonnance du 7 octobre 1958, pendant la guerre d’Algérie.
L’internement administratif, de par sa nature attentatoire aux libertés, reste une procédure exceptionnelle mise en oeuvre lors de crises politiques ou sécuritaires. Elle n’a jamais plus été remise en application depuis, et les textes en question n’ont plus cours.
De plus, entretemps, la Constitution de 1958 a posé le principe de l’interdiction des détentions arbitraires (article 66), et la liberté d’aller et venir a aqcuis une valeur constitutionnelle, ce qui suppose l’intervention d’un juge en principe avant une privation de liberté. En somme, à moins qu’une guerre soit en préparation, ce qui constituerait une circonstance suffisante, rien ne justifie le retour d’une telle pratique par la voie d’une loi, laquelle serait censurée par le Conseil constitutionnel.

Les fichés S ne sont pas tous des délinquants et le fichage ne rend pas juridiquement suspect

Au-delà de la garde à vue, toute détention doit être autorisée ou placée sous le contrôle d’un juge. Le fichage S ne remplace aucunement ce processus et ne permet pas, hors de tout contrôle du juge, d’interner une personne. Le fichage S ne signifie pas que l’individu est soupçonné de délit ou de crime. Ce n’est qu’un qu’un outil des services de renseignements qui permet de surveiller des individus qui bien que n’ayant commis aucune infraction, peuvent représenter un danger pour l’ordre public.
Les fichés S n’ont pas non plus tous le même degré de dangerosité, et cette dangerosité n’est pas seulement liée à l’islamisme : il existe des fichés S pour d’autres raisons. En l’absence d’infraction commise ou en préparation, un fiché S ne peut donc pas être privé de liberté.
Les articles L224-1 et L225-1 (et suivants) du code de la sécurité intérieure prévoient des exceptions bien délimitées : un individu suspecté de projeter certaines activités terroristes peut être interdit de quitter le territoire national, voire assigné à résidence ou dans un périmètre géographique réduit.
Il est très improbable que le Conseil constitutionnel admette une banalisation de la procédure d’internement.

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