Marine Le Pen souhaite rétablir les contrôles aux frontières tout en prévoyant des procédures simplifiées pour les citoyens européens
Dernière modification : 30 septembre 2022
Auteur : Jules Carpentier, master de droit européen, Université de Lille
Relecteur : Vincent Couronne, docteur en droit européen, chercheur associé au centre de recherches VIP, Université Paris-Saclay
Source : Projet pour la France de Marine Le Pen, 2022
Il est tout à fait possible de promettre de rétablir les contrôles aux frontières… quant à mettre en œuvre cette promesse, c’est une autre paire de manches. À part en cas de crise, il n’est pas possible de les rétablir. Ou alors il faudrait modifier les traités européens, ce qui requiert l’unanimité des États membres, dans un domaine qui est un pilier de l’Union. Autant dire que c’est quasiment impossible.
Dans son programme de campagne, la candidate du Rassemblement national à l’élection présidentielle entend renforcer le contrôle de l’immigration. Pour ce faire, Marine Le Pen veut renégocier les accords de Schengen afin de réinstaurer les contrôles aux frontières, tout en prévoyant des “procédures de franchissement simplifié pour les citoyens des États de l’Union européenne”. Cette proposition est difficilement réalisable, et est même contraire au droit de l’Union européenne.
La libre circulation des personnes est l’une des valeurs fondamentales de l’Union européenne. Depuis les accords de Schengen de 1985, 26 États européens se sont engagés à faciliter cette liberté en supprimant les contrôles aux frontières. Néanmoins, dans son programme, Marine Le Pen s’appuie sur la crise migratoire de 2015 pour démontrer les travers de cet espace et propose ainsi de réinstaurer les contrôles aux frontières.
En proposant cela, l’actuelle députée du Pas-De-Calais envisage une difficile réforme des accords de Schengen, car changer ces règles nécessiterait l’aval à l’unanimité des États membres. Par ailleurs, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit que l’Union “assure l’absence de contrôles des personnes aux frontières intérieures”. La proposition de Marine Le Pen supposerait alors aussi une modification du traité, là encore à l’unanimité des 27 États membres, sans quoi le rétablissement des contrôles aux frontières de l’Union ne serait possible que dans des circonstances très encadrées. Si la France devait violer le droit de l’Union européenne, elle s’exposerait à des amendes de la Cour de justice de l’Union européenne, et si elle souhaitait ne pas payer ces amendes, la Commission européenne en déduirait le montant des aides que l’Union verse à la France.
Pour éviter de se mettre en infraction à l’égard de l’Union européenne, Marine Le Pen veut prévoir des procédures de franchissement simplifié pour les citoyens européens. D’un point de vue purement pratique, cette proposition semble inutile, puisqu’il faudra bien contrôler un individu à la frontière pour déterminer s’il est Européen ou étranger… ce qui ne permettrait pas d’avoir une “procédure simplifiée” pour ces Européens, soumis aux mêmes contrôles aux frontières que les autres.
Le rétablissement des frontières intérieures au sein de l’espace Schengen, comme voulu par Marine Le Pen, suppose donc une double modification des textes européens, toutes les deux soumises à une exigence d’unanimité pour pouvoir entrer en vigueur.
Contactée, Marine Le Pen n’a pas répondu à nos sollicitations.
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