«L’Union européenne ouvre les portes à la commercialisation des fœtus, un libre marché des embryons, des fœtus et des gamètes humains. Vous comprenez pourquoi l’IVG entre dans la constitution, il y avait un but inhumain»
Dernière modification : 3 avril 2024
Auteur : Nicolas Kirilowits, journaliste
Relecteurs : Guillaume Baticle, doctorant en droit public
Vincent Couronne, docteur en droit européen, chercheur associé au centre de recherches VIP à l’Université Paris-Saclay
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Source : Compte Facebook, 5 mars 2024
Contrairement à ce que laisse penser un post amplement relayé sur les réseaux sociaux dont Facebook, l’Union européenne n’envisage pas la « commercialisation des fœtus ». Le rapport adopté à une large majorité par le Parlement européen, en septembre dernier, vise notamment à « défendre un principe très important : c’est le principe du don volontaire et non rémunéré » explique Nathalie Colin-Oesterlé, député européenne et rapporteure sur le sujet.
Quelques jours après le vote du Parlement réuni en Congrès français en faveur de la constitutionnalisation de droit à l’IVG, le sujet est hautement inflammable. L’Union européenne est-elle en passe d’autoriser la libre marchandisation des fœtus, embryons et gamètes humains à l’instar des personnes et des marchandises ? Si la question a de quoi surprendre, elle souffre déjà d’un défaut temporel, ou de concordance des temps pourrait-on dire. Contrairement à ce que laisse croire cette fausse nouvelle, le vote survenu au Parlement européen sur « les normes de qualité et de sécurité des substances d’origine humaine destinées à une application humaine » n’est aucunement lié à l’actualité législative française puisque les parlementaires européens se sont prononcés à ce sujet en septembre dernier. Par ailleurs, le texte adopté par les élus à Strasbourg répondait à une proposition de règlement présentée par la Commission européenne le 14 juillet 2022. Soit plus d’un an et demi avant le vote à Versailles.
Pas de vote définitif
Toujours suivant cette logique législative propre aux institutions européennes, le vote en première lecture au Parlement européen ne vaut pas adoption. Le Conseil de l’UE doit désormais arrêter sa propre position avant d’entamer, si nécessaire, et dans un second temps, des négociations avec les députés européens (article 294 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne)
Aussi, sur le fond, le texte en question n’a jamais eu pour ambition de libéraliser un quelconque marché du fœtus européen à la manière des biens et des personnes selon le principe de libre circulation mais bien, d’après le texte voté au Parlement européen, « à établir, d’une part, des normes de sécurité et de qualité élevées en garantissant, notamment, la protection des donneurs de substances d’origine humaine, compte tenu de leur rôle fondamental dans la fourniture de substances d’origine humaine et de leur rôle crucial pour les receveurs ». De fait, le mot « fœtus » n’apparaît pas une seule fois dans le texte soumis par la Commission européenne, ni dans celui amendé et voté par le Parlement européen. Nous parlerons ici seulement, et plus simplement, de transfusion sanguine, de transplantation ou de procréation médicalement assistée.
Le corps humain protégé par l’UE
Pour Nathalie Colin-Oesterlé, rapporteure pour le Parlement et auteure de plusieurs vidéos explicatives sur ses réseaux sociaux et son site Internet, « nous ne voulons pas du système américain qui permet de délivrer des incitations financières qui sont extrêmement importantes et qui vont attirer des populations en situation de précarité afin de gagner des centaines d’euros par mois puisqu’aux Etats-Unis on peut donner son plasma jusqu’à 104 fois par an. » Par ailleurs, lors du vote à Strasbourg le 12 septembre dernier, l’élue rappelait en séance plénière que « 25 millions de transfusions sanguines, 35 000 transplantations de cellules souches, 1 million de cycle de procréation médicalement assistée sont effectuées chaque année au sein de l’Union européenne. »
Enfin, juridiquement faut-il encore souligner que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, à laquelle sont soumises les propositions législatives européennes, interdit dans son article 3 les « pratiques eugéniques, notamment celles qui ont pour but la sélection des personnes », ou de « faire du corps humain et de ses parties, en tant que tels, une source de profit ». Des obligations légales que la Commission rappelle elle-même dans l’exposé de ses motifs. De quoi tordre le cou, une bonne fois pour toute, à la rumeur d’une commercialisation du corps humain instituée par Bruxelles.
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