Les Surligneurs est un média indépendant qui lutte contre la désinformation juridique.

rubriques
Crédit photo : The wub/CC BY-SA 4.0

Les vaccins contre le Covid-19 n’ont pas été fabriqués à partir du virus du Sida

Création : 17 juin 2025

Auteur : Nicolas Kirilowits, journaliste

Relectrice : Maylis Ygrand, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Jean-Baptiste Breen, étudiant en master de journalisme à Sciences Po Paris

Source : Compte Facebook, le 8 juin 2025

Selon certains internautes, les vaccins contre le Covid-19 auraient été fabriqués à partir du VIH. Mais, ces propos se basent sur de fausses informations sur le coronavirus, propagées en 2020, par l’ancien prix Nobel de médecine, Luc Montagnier.

Dans le langage commun, on appelle ça un « serpent de mer ». Appliquée à une désinformation, cela revient à voir resurgir, à intervalles réguliers, une fausse information pourtant maintes fois vérifiée.

Sur X, comme sur Facebook, des publications relaient des propos attribués à l’ancien prix Nobel de médecine, Luc Montagnier concernant une supposée « manipulation » du virus du Covid-19.  » Le prix Nobel Luc Montagnier, retrouvé mort six jours après cette interview, a confirmé que le VIH avait été ajouté aux ‘vaccins’ contre le Covid », assurent les internautes.

Ces posts s’appuient notamment sur un entretien de Luc Montagnier réalisé sur la chaîne CNews en avril 2020, soit quelques semaines après le début du confinement en France. Sur le plateau du présentateur Pascal Praud, l’ancien prix Nobel, récompensé en 2008 pour ses travaux sur le VIH dans les années 80, explique notamment que « l’on a ajouté [au coronavirus] des séquences du VIH ». Suggérant ainsi une manipulation en laboratoire du SARS-CoV-2.

Mais cette affirmation repose sur une étude bancale et aucune preuve n’existe aujourd’hui démontrant la présence de traces de VIH dans le Covid-19 ou dans les vaccins pour le combattre.

Une étude retirée

Dans l’entretien, relayé sur les réseaux sociaux, Luc Montagnier n’évoque en réalité pas les « vaccins contre le Covid-19 », puisqu’ils n’existaient pas à l’époque, mais bien le virus lui-même. Ainsi, la seule supposée preuve sur laquelle s’appuient les internautes, pour déduire un lien entre le VIH et les vaccins contre le coronavirus, est en fait mal comprise.

Mais les propos initiaux de l’ancien prix Nobel de médecine sur le Covid-19 sont-ils pour autant exacts ? Sur le plateau de CNews, Luc Montagnier évoque notamment une étude indienne qui corrobore ses dires. Or, celle-ci a essuyé de nombreuses critiques de la communauté scientifique et a été retirée de la plateforme (Biorxiv) le 2 février 2020, soit trois jours après sa publication.

Encore accessible en ligne, la présentation de l’étude est désormais accompagnée du message suivant : « Cet article a été retiré par ses auteurs. Ils prévoient de le réviser à la suite des commentaires reçus de la communauté scientifique sur leur approche technique et leur interprétation des résultats ».

Depuis, aucune nouvelle publication n’est venue confirmer ces premiers résultats. Et de nombreux médias ont débunké cette infox (comme ici, ici ou ).

Une similitude pas anormale

Dès le 14 février 2020, une étude états-unienne, non-retirée celle-ci, a par ailleurs démontré que le « VIH n’a pas contribué au génome du SARS-CoV-2 ». En réalité, à l’instar des explications fournies dans l’étude, les articles de presse déjà cités ou ce papier explicatif de l’Inserm, il est « tout à fait normal et fréquent de trouver de petites homologies (séquences génétiques similaires) répétées en comparant l’intégralité des génomes de deux ou plusieurs virus. Ces homologies apparentes résultent le plus souvent du hasard ».

« C’est comme si dans un roman il y a écrit le mot « chat » et dans un autre roman il y a également écrit le mot « chat », parmi des dizaines de milliers de mots. Statistiquement, il y a forcément des homologies, mais cela n’a aucune valeur, c’est juste dû au hasard », expliquait pour sa part à France Culture, en mars 2020, Olivier Schwartz, responsable de l’unité virus et immunité de l’Institut Pasteur.

Un argument repris par Vincent Maréchal, professeur des Universités et directeur de l’Observatoire épidémiologique dans les eaux usées (OBEPINE), contacté par Les Surligneurs. « Il y a eu des milliers d’études sur le SARS-CoV-2 depuis cinq ans, si l’une d’entre elles avait découvert des séquences du VIH, l’information serait connue dans le monde entier », souligne-t-il.

Une origine encore inconnue

Cinq ans après l’interview de Luc Montagnier sur CNews, l’origine du SARS-CoV-2 reste inconnue et continue de faire débat. En décembre dernier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) appelait « la Chine à communiquer les données et à en favoriser l’accès pour nous permettre de comprendre les origines de la COVID-19 ». Selon l’institution, « il s’agit d’un impératif moral et scientifique ».

Dans un rapport adopté le 1er avril dernier, l’Académie nationale de médecine indiquait que « tout laisse à penser, qu’en l’absence de données, l’on risque de ne jamais connaître l’origine de la pandémie, ou qu’il faille du temps avant de résoudre l’énigme de ce puzzle incomplet ».

De son côté, Luc Montagnier n’en était pas à son coup d’essai en matière de désinformation. La chaîne CNews rappelle elle-même sur la page où est visible l’interview que le professeur « a émis dès 2009 des théories controversées sur l’origine du VIH et sa transmission. En 2017, 100 académiciens ont dénoncé ses positions anti-vaccin, et demandé à l’Ordre des médecins de le sanctionner ». La preuve à ce sujet ici.

Mais ses propos fallacieux continuent d’être relayés sur les réseaux sociaux. Certains internautes affirment même qu’il aurait mis « sa vie en danger », lors de cette entrevue, et aurait d’ailleurs été retrouvé mort « six jours après ». Sauf que Luc Montagnier est en réalité décédé le 8 février 2022, soit près de deux ans après son passage sur CNews.