Le PLFSS comporte-t-il une obligation vaccinale généralisée contre le Covid-19 et la grippe ?
Autrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Relecteurs et relectrice : Jean-Paul Markus, professeur de droit public Paris Saclay
Sacha Sydoryk, maître de conférences en droit public à l’université de Picardie Jules Verne
Maylis Ygrand, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Clara Robert-Motta, journaliste
Source : Florian Philippot, le 25 novembre 2025
Un article du PLFSS prévoit une obligation vaccinale contre la grippe pour les soignants. Celui-ci a évolué au fil de la navette parlementaire et a, parfois, été mal interprété par certains acteurs qui y voient un « pied dans la porte pour une obligation généralisée ». Pourtant, la loi ne crée aucune obligation générale. Explications.
Depuis le 27 octobre 2025, lorsque le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) a commencé à être débattu à l’Assemblée nationale, en commission, un article a concentré l’attention de Florian Philippot : l’article 20. D’après l’homme, celui-ci serait une bascule. « Cette loi infâme est le pied dans la porte pour une obligation généralisée, grippe et covid à terme grâce à l’injection unique combinée ARN messager », écrit-il encore le 25 novembre lors de l’examen du PLFSS par le Sénat.
D’autres personnalités politiques et des internautes se sont également emparés du sujet pour dénoncer le contenu de cet article 20. Si celui-ci entend bel et bien instaurer une forme d’obligation vaccinale spécifique, certaines des déclarations sont trompeuses voire mensongères.
On fait le point.
Un article qui a évolué au fil des discussions parlementaires
L’article 20 du PLFSS pour 2026 était déjà présent dans le projet de loi transmis par le gouvernement à l’Assemblée nationale. Le texte prévoyait que la vaccination contre la grippe serait désormais obligatoire pour deux types de personnes : les personnes résidant en Ehpad et des professionnels de santé, qu’ils soient en libéral ou non.
Dans les deux cas, l’obligation d’être vacciné contre la grippe est conditionnée par la loi à un décret, lui-même conditionné à une recommandation préalable de la Haute Autorité de Santé en ce sens.
Cela n’a rien de nouveau. Les soignants font déjà l’objet de différentes obligations vaccinales, à savoir l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite. La vaccination obligatoire contre la grippe a, elle, été suspendue en 2006 et celle contre la tuberculose (BCG) en 2019.
Mais cette version initiale de l’article de loi a été rejetée par les députés. Le samedi 8 novembre, lors de la troisième séance publique, 108 députés votent contre et 95 pour lors d’un scrutin public. Ainsi dans le texte résultant des délibérations de l’Assemblée nationale, l’article 20 apparaît comme « supprimé ».
Or, les députés n’ont pas eu le temps d’examiner entièrement le projet de budget de la Sécurité sociale dans le délai prévu par la Constitution – l’Assemblée a vingt jours après le dépôt par le gouvernement pour se prononcer en première lecture conformément à l’article 47-1. Le gouvernement s’était engagé, comme la loi organique et la Constitution l’y obligent, à transmettre au Sénat le projet de loi. Laurent Panifous, ministre des relations avec le Parlement, avait déclaré que la copie transmise serait modifiée par rapport au projet de loi initial, car « tous les amendements » adoptés au Palais Bourbon y seraient intégrés.
Sauf que, dans le texte transmis au Sénat, le 13 novembre 2025, le fameux article 20 instaurant, sous conditions, une obligation vaccinale antigrippale, était présent. « Sébastien Lecornu, en activant l’article 47-1 de la Constitution, avait promis de transmettre le texte en l’état de la discussion ; c’est-à-dire en reprenant les votes à l’Assemblée. Il y a visiblement une exception… », s’est insurgé Matthias Renault, député du groupe Rassemblement national, qui avait voté contre l’article 20.
Les subtilités législatives ont, là, joué un rôle important. Le gouvernement se défend en assurant avoir respecté la loi. L’article LO111-7 du code de la sécurité sociale dispose que « le Gouvernement saisit le Sénat du texte qu’il a initialement présenté, modifié le cas échéant par les amendements votés par l’Assemblée nationale et acceptés par lui ».
Autrement dit, les seules modifications présentes dans le PLFSS transmis au Sénat sont celles qui l’ont été par voie d’amendement. Or, pour l’article 20, un amendement de suppression avait bien été présenté, mais il avait été rejeté par les députés. L’article 20 avait « simplement » été rejeté par un vote sur l’article en lui-même. Le gouvernement n’avait pas le choix que de transmettre le texte initial – donc avec l’article 20 – avec les amendements qu’il avait acceptés.
Une fois présenté au Sénat, l’article 20 a, cette fois-ci, été validé par les sénateurs, mais dans une version encore une fois modifiée. Le point concernant l’obligation vaccinale des personnes résidant dans un Ehpad a été supprimé via un amendement. Ne reste, dans le projet de loi, que l’obligation vaccinale des soignants contre la grippe, soumise à une recommandation de la HAS. Il ne s’agit en tout état de cause pas d’une obligation vaccinale généralisée.
L’histoire ne s’arrête pas là. Le 26 novembre 2025, députés et sénateurs n’ont pas réussi à se mettre d’accord lors de la commission mixte paritaire; le projet de loi sera donc de retour à l’Assemblée nationale, dès le samedi 29 novembre pour un nouvel examen. La version transmise cette fois-ci est celle issue du Sénat : elle comporte l’article 20 sans l’obligation vaccinale antigrippale pour les résidents d’Ehpad. À l’heure actuelle, nous ne pouvons pas savoir quelle forme sera finalement adoptée à l’issue de la navette parlementaire.
Aucune obligation vaccinale contre le Covid-19
En revanche, certaines des affirmations sur les réseaux sociaux sont fausses. Florian Philippot n’a pas cessé de jouer sur les mots. Sur ses réseaux sociaux, il a appelé à refuser « l’obligation vaccinale » sans toujours préciser pour qui et contre quoi. « La loi vient d’être déposée : vaccin obligatoire ‘pour tous’ ! », titre-t-il une de ses vidéos Youtube.
Ainsi, dans plusieurs déclarations, lui comme d’autres détracteurs de cet article 20 ont entretenu un flou entre la vaccination antigrippale et anti-Covid-19 au travers d’une « injection ARNm ». D’après eux, l’article 20 contenu dans le PLFSS obligerait, in fine, les soignants à se vacciner contre le Covid-19 à cause d’un potentiel vaccin bivalent – c’est-à-dire qui protège contre plusieurs maladies ou plusieurs souches – en l’occurrence contre ces deux maladies (grippe et Covid-19).
Tout d’abord, un vaccin bivalent est une caractéristique technique qui n’entre ni en contradiction avec la loi ni avec les devoirs du médecin, et notamment le droit au consentement.
Il existe bel et bien des projets, au moins de recherche, pour combiner ces deux vaccins. Par exemple, Pfizer mène actuellement une étude sur les données de vaccination dont l’objectif principal est « d’identifier et décrire la population susceptible de recevoir une vaccination concomitante grippe/Covid-19 en vue du futur lancement du vaccin combiné ». Contacté, Pfizer ne nous avait pas encore répondu sur l’avancement du projet au moment de la parution de l’article. Pour le moment, il n’existe aucun vaccin qui permette de recevoir une protection contre le Covid-19 et la grippe dans une même injection.
En revanche, la campagne de vaccination saisonnière contre la grippe est menée de façon conjointe avec celle du Covid-19, comme l’année dernière. La vaccination est donc recommandée chez les personnes à risque de développer des formes sévères ou compliquées de ces maladies : majoritairement les personnes âgées, les femmes enceintes, les personnes immunodéprimées, etc.
Mais les vaccinations de ces deux maladies font l’objet de deux injections différentes. Pour le Covid-19, le vaccin choisi est Comirnaty (Pfizer et BioNTech) – qui utilise de l’ARN messager codant une protéine du virus responsable du Covid-19 pour déclencher une réponse immunitaire chez l’individu vacciné – car il est adapté au variant en circulation.
Pour la grippe, cinq vaccins différents sont disponibles : Vaxigrip (Sanofi), Influvac (Viatris), Flucelvax (Vifor), Efluelda (Sanofi) et Fluad (Vifor). « Ces vaccins sont composés de 2 souches de virus grippaux inactivés de type A (H1N1 et H3N2) et d’une souche de virus grippal inactivé de type B, conformément aux recommandations de l’OMS pour la saison 2025/2026 », développe la HAS.
Il n’y a donc aucune obligation vaccinale contre le Covid-19 ni d’obligation de vaccins utilisant de l’ARN messager, comme l’affirme Florian Philippot. Et l’obligation vaccinale antigrippale pour le moment proposée par le PLFSS ne concernerait que les soignants, sur recommandation préalable de la HAS.
