François Bayrou : un soignant qui refuse la vaccination, “c’est de la non-assistance à personne en danger”

Création : 24 juillet 2021
Dernière modification : 24 juin 2022

Auteur : Paul Bruna, rédacteur

Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit, Université Paris-Saclay

Source : BFMTV, 11 juillet 2021

Il est très improbable que le refus d’un soignant de se faire vacciner puisse être regardé par un tribunal comme une “non-assistance à personne en danger”. Même avec une vaccination désormais obligatoire, on peine à y croire.

Quand François Bayrou évoque une “non-assistance à personne en danger”, on peut traduire le juridiquement de deux façons. 

Le refus de vaccination ne constitue pas une non-assistance à une personne en péril

L’infraction de “non-assistance à personne en péril” recouvre deux situations : le fait de ne pas empêcher la commission d’une infraction, et le fait de ne pas porter secours à une personne en péril. C’est la deuxième hypothèse qui serait évoquée par François Bayrou. Selon la loi en effet, est coupable de non-assistance à personne en péril “quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours”. Si cette obligation de porter secours est générale (c’est-à-dire qu’elle s’applique à tous), il existe également une obligation renforcée de porter assistance à une personne en péril pour les médecins : “tout médecin qui se trouve en présence d’un malade ou d’un blessé en péril ou, informé qu’un malade ou un blessé est en péril, doit lui porter assistance ou s’assurer qu’il reçoit les soins nécessaires”. Cette obligation se retrouve dans les codes de déontologie de toutes les professions médicales, du médecin à l’infirmier en passant par le masseur-kinésithérapeute. Quant aux personnels auxiliaires soignants qui n’ont pas de code de déontologie (notamment les aides-soignants et personnels d’EHPAD), ils sont soumis à l’obligation d’assistance comme tout un chacun.

Contacté François Bayrou n’a pas répondu à nos sollicitations.

Pour autant, le refus de se faire vacciner peut-il conduire à condamner un professionnel de santé pour non-assistance ? Non, car selon la jurisprudence (arrêt de la Cour de cassation de 1955) l’obligation de porter secours concerne seulement le cas de personnes se trouvant en état de péril imminent et constant et nécessitant une intervention immédiate. On n’est pas dans une telle situation.. 

Plutôt une mise en danger d’autrui ?

Quand François Bayrou évoque la “non-assistance à personne en danger”, l’autre piste serait de traduire par  l’infraction de “mise en danger de la vie d’autrui”, qui serait plus pertinente dans le contexte d’un refus de vaccination. Cette infraction est définie comme “le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement” (Code pénal, article 223-1). Reste que pour l’instant, aucune loi ni aucun règlement n’imposent la vaccination contre la Covid-19 pour le personnel médical. De plus, en l’état actuel du droit, le refus de vaccination est un refus d’acte médical, et ce refus est un droit fondamental. Il ne peut donc être considéré comme un manquement à une “obligation de prudence” au sens du Code pénal. 

Cependant, cela va bientôt changer, puisque le gouvernement souhaite rendre la vaccination obligatoire pour les soignants, comme elle existe déjà pour le risque d’hépatite B : ainsi, “une personne qui, dans un établissement de prévention de soins ou hébergeant des personnes âgées, exerce une activité professionnelle l’exposant ou exposant les personnes dont elle est chargée à des risques de contamination doit être immunisée contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite”. C’est également le cas des policiers et pompiers, ou de certaines professions à caractère social, s’agissant du vaccin contre l’hépatite B. 

Quand un texte viendra rendre la vaccination obligatoire pour les soignants, comme l’a annoncé le président de la République, il n’est pas pour autant certain que cela permette de poursuivre les récalcitrants pour mise en danger de la vie d’autrui. En effet, selon la jurisprudence une simple transgression d’une règle de sécurité ne suffit pas à caractériser cette infraction. Il faut également “un comportement particulier” ou des “circonstances de fait particulières” exposant directement autrui à un risque de mort ou de blessure grave. Des poursuites pour mise en danger de la vie d’autrui ne pourraient donc être engagées qu’à l’encontre de soignants non vaccinés travaillant en contact étroit avec des personnes particulièrement vulnérables. Pour les autres cas de figure, cela semble moins probable.

Mais bien plus qu’une solution pénale, le non-respect de l’obligation de vaccination professionnelle pourrait plus certainement conduire à un licenciement selon la Cour de cassation, qui s’était prononcée dans ce sens sur le cas d’un thanatopracteur ayant refusé de se faire vacciner contre l’hépatite B, alors que c’était obligatoire pour les employés de cette profession. C’est ce qu’a confirmé Olivier Véran, en expliquant que les soignants refusant la vaccination obligatoire ne pourront plus travailler, et ne seront plus payés à partir de la mi-septembre. 

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