Laurent Saint-Martin (LREM) veut mettre en place une “police régionale” aux abords de certains lieux publics. Mais il n’existe pas de police régionale dans la loi
Dernière modification : 22 juin 2022
Autrice : Camille Dubuffet, master de droit public, Université Lyon 3 Jean Moulin
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Source : Le Journal du Dimanche, 13 mars 2021
Répétons-le, seule la loi peut créer une police régionale, dotée de pouvoirs analogues à ceux des polices municipales ou nationales. En attendant, la région peut tout à fait sécuriser ou aider à sécuriser certains lieux publics en finançant les dispositifs de surveillance humaine ou électronique.
Le député LREM du Val-de-Marne Laurent Saint-Martin, en lice pour briguer la présidence de la région Île-de-France, a annoncé la création de la “première police régionale de France” comme mesure centrale de son programme. Il assure ainsi pouvoir garantir la sécurité devant les lycées ou encore les transports en commun. En l’état du droit, il ne pourra pas créer de police régionale, ce qui ne signifie pas qu’il ne pourra pas renforcer la sécurité publique par d’autres moyens.
Depuis notamment la Loi NOTRe (2015), la région est compétente en matière de transports régionaux, de formation professionnelle, d’aménagement du territoire et de l’environnement, de développement économique et elle assume, depuis 1982, la charge des lycées. Aucune référence n’est faite, au sein du Code général des collectivités territoriales, à la sécurité. À moins de modifier la loi actuellement en vigueur, la région ne peut mettre en place de “police” au sens légal du terme, c’est-à-dire des agents dotés de pouvoirs tels que vérifier l’identité des personnes, les poursuivre et les arrêter, constater des troubles ou des infractions, etc.
Cela précisé, il entre bien dans les compétences de la région d’assurer la sécurité au sein des services publics qu’elle gère : sont souvent cités à ce titre les lycées et les transports. Laurent Saint-Martin n’est, par ailleurs, pas le seul à avoir formulé cette volonté, puisque Valérie Pécresse (LR), candidate sortante à la présidence de la région, a elle aussi évoqué la sécurité par la création d’une “police régionale des transports”. Tous deux ont emboîté le pas à Marlène Schiappa, Ministre chargée de la citoyenneté, elle-même favorable à la mise en place d’une police régionale.
Dans tous les cas, il faudra modifier la loi pour créer une telle police, à l’image de la police municipale par exemple, ou encore obtenir de l’État qu’il autorise certaines expérimentations (Loi du 19 avril 2021). Car seule la loi peut créer des polices.
En attendant qu’une police régionale devienne une réalité pour la région Île-de-France, il demeure néanmoins possible pour cette dernière d’intensifier la protection des lieux publics en participant financièrement à l’installation, notamment, de la vidéo protection, dans les limites permises par la CNIL. Cette mesure particulière relève de l’organisation francilienne du “Bouclier de Sécurité”, permettant l’octroi par la région d’aides publiques aux entreprises privées spécialisées dans la sécurité (agent de surveillance, vigiles, sécurité cynophile). Il est également envisageable pour la région, et cela peut apparaître comme paradoxal, de fournir des moyens matériels plus importants à la police municipale voire à la police nationale, toujours par le biais d’une participation indirecte.
Il est ainsi abusif d’employer l’expression “police régionale”, voire trompeur. En revanche, un financement de mécanismes de sécurité ou un financement des polices déjà existantes est totalement légal.
Contacté, Laurent Saint-Martin réitère son intention d’assurer la sécurité dans les services publics dont la région a la charge, notamment en recrutant des agents de sûreté. Surtout, il précise sa pensée en expliquant qu’il entend « coordonner les polices municipales », dont une des missions est en effet le maintien du bon ordre au sein des transports publics de voyageurs et de verbaliser les contrevenants (Code de la sécurité intérieure, article L 511-1). Ce n’est toujours pas une police régionale au sens institutionnel, mais ce n’est en rien illégal.
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