Laurence Trochu, présidente de Sens commun, à propos de la PMA pour les femmes : « ils n’auront pas de père, ce qui est en contradiction totale avec la convention internationale des droits de l’enfant de l’ONU »

Création : 29 mai 2018
Dernière modification : 15 juin 2022

Autrice : Mathilde Tanniou, sous la direction de Tania Racho

Source : Les Echos, 30 avril 2018

Le droit français reconnait la qualité de parents aux couples qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels. Dire que l’adoption de la PMA pour les femmes empêcherait l’enfant « d’être élevé (…) par ses parents » au sens de l’article 7.1 de la Convention des Droits de l’enfant est par conséquent inexact.

Laurence Trochu, présidente du mouvement Sens commun issu de « La Manif Pour Tous » se prononce à l’occasion des États Généraux de la bioéthique qui donneront lieu à un rapport du Comité consultatif national d’éthique au Parlement. L’un des sujets les plus sensibles est, on le sait, la possible ouverture de la PMA en France pour les femmes. Laurence Trochu estime que ce serait contraire à l’article 7.1 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant de l’ONU (CIDE). Cet argument a été largement repris notamment par Monseigneur Xavier Malle, évêque de Gap et d’Embrun. Dans un tweet il déclarait : « La PMA pour les femmes (…), c’est contraire à la convention internationale des droits de l’enfant ratifiée par la France ».

La CIDE a été ratifiée par la France en 1990. Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU veille à ce que les États appliquent la Convention. En France, l’UNICEF est chargé de surveiller le respect de la Convention et des recommandations du comité. L’article 7.1 de la CIDE prévoit que « l’enfant a le droit, dans la mesure du possible, d’être élevé par ses deux parents ». Toute la question est donc de savoir si au sens de cette convention les parents sont nécessairement un père et une mère, et donc si les couples de même sexe peuvent être qualifiés de « parents » en droit français.

Or comme bien des conventions internationales, la CIDE pose un principe, qu’elle laisse aux États le soin de respecter par les moyens qui lui conviennent. Rien dans cette convention ne dit expressément que l’enfant a droit à un père et une mère. Il a seulement le droit à des « parents ». C’est donc aux États de dire ce que sont les « parents », comme par exemple des parents adoptifs, doté comme les parents « naturels » de l’autorité parentale au profit de l’enfant.

Or, depuis l’adoption de la loi du 17 mai 2013 sur le mariage pour tous, ouvrant le mariage aux couples de même sexe, la loi autorise l’adoption plénière de l’enfant du conjoint dans les couples de même sexe mariés (article 346 du Code civil). Ainsi, la loi établit un lien de filiation entre un enfant et deux mères, et fait juridiquement de ces dernières des « parents ». Le Conseil constitutionnel a même estimé lors du contrôle de la loi de 2013 que « le caractère bilinéaire de la filiation fondée sur l’altérité sexuelle » (autrement dit l’hétérosexualité des parents) n’était pas un principe protégé par la Constitution. Donc, en droit français, la filiation d’un enfant peut reposer sur un couple de même sexe, dont les deux époux sont aussi bien « parents » que ceux dans un couple de sexe différent. Quant au mode de conception, les couples de femmes ne peuvent certes pas recourir légalement à la PMA en France, mais la Cour de cassation a confirmé en 2014 que le recours à la PMA à l’étranger par donneur anonyme n’empêchait pas l’adoption.

Il faut aussi relever que la loi de 2013 a consacré une égalité de traitement de tous les époux. Il leur est reconnu les mêmes droits en matière de filiation qu’ils soient « de sexe différent ou de même sexe » (article 6-1 du Code civil).

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