L’accord de l’OMS sur les pandémies peut-il obliger les États à vacciner et confiner leur population ?
Auteur : Nicolas Turcev, journaliste
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Etienne Merle, journaliste
Source : Compte Facebook, le 20 mai 2025
Le texte approuvé le 20 mai par l’Assemblée mondiale de la santé vise à renforcer la coopération entre les pays en cas de crise pandémique. Mais il n’impose pas aux États de prendre des mesures spécifiques de santé publique, contrairement à ce que prétendent certains internautes.
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) vient-elle de se doter du pouvoir de confiner et de vacciner les populations selon son bon vouloir ? C’est en tout cas ce qu’affirment plusieurs internautes, à la suite de la validation par les pays membres de l’institution, le 20 mai 2025, de l’accord visant à apporter une réponse coordonnée aux pandémies pour mieux « protéger le monde ».
Surnommé « traité pandémie » par ses détracteurs, le texte « donnera toute puissance à l’OMS pour confiner et vacciner qui elle voudra », écrit un internaute. « Les États signataires seront obligés d’obéir aux directives de l’OMS », rajoute-t-il, faisant écho au sentiment partagé par de nombreux autres utilisateurs que l’organe de l’ONU usurpe les prérogatives nationales avec cet accord.
Mais en réalité, l’accord trouvé entre les pays ne contient aucune obligation pour les États de prendre des mesures sanitaires dictées par l’OMS. L’article 22 prévoit justement qu’« aucune disposition » du texte ne donne à l’agence de santé publique « le pouvoir d’orienter, d’ordonner, de modifier ou de prescrire de toute autre manière le droit national et/ou interne, […] ou de prescrire ou d’imposer […] des mesures spécifiques, telles que l’interdiction ou l’acceptation des voyageurs, l’instauration de l’obligation de vaccination ou de mesures thérapeutiques ou diagnostics, ou la mise en place de mesures de confinement ».
L’OMS s’était déjà défendue de ces accusations au mois d’avril, en « affirm[ant] la souveraineté des pays en matière de santé publique à l’intérieur de leurs frontières ».
Que contient réellement l’accord ?
En négociation depuis décembre 2021, alors que la pandémie de covid-19 battait son plein, l’accord vise à mieux coordonner les efforts internationaux de lutte contre des catastrophes sanitaires d’envergure mondiale. Le texte tente d’apporter des réponses aux échecs ou aux insuffisances constatées lors du covid-19, afin de se préparer aux prochains événements de ce type, jugés probables par la communauté scientifique.
Il prévoit notamment la facilitation du transfert de technologies entre les États. Les pays en développement avaient critiqué, lors du covid-19, les atermoiements des pays riches dans la levée des brevets vaccinaux. Dans le même esprit, le texte approuvé par l’OMS organise la création d’un mécanisme de coordination financière et d’un réseau de chaîne d’approvisionnement et de logistique, dont l’objectif est de mutualiser les ressources mondiales en cas d’urgence.
Pour que l’accord puisse être mis en pratique, l’OMS doit encore définir le contour exact de ces dispositifs, ainsi qu’un système d’accès international aux agents pathogènes responsables des pandémies, d’ici à un an. Mais le texte n’entrera pas tout de suite en vigueur.
Après cette date, les États auront 18 mois pour approuver le document. Ensuite, les pays devront le ratifier, c’est-à-dire consentir à ce qu’il soit contraignant, en accord avec les dispositions prévues par leur droit interne. L’accord prendra finalement effet quand 60 États membres de l’OMS l’auront ratifié. Le processus ne pourrait donc aboutir que dans plusieurs années.
C’est seulement la seconde fois qu’un tel accord, entrepris sur la base de l’article 19 de la Constitution de l’OMS, est adopté. Le seul précédent est la convention sur la lutte contre le tabagisme, entrée en vigueur en 2005.