La modification de l’utilisation du droit de véto des États membres permanents du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies initiée par le Liechtenstein
Autrice : Anaïs Flaire, master de droit européen, Université Paris-Est-Créteil
Relecteur : Patrick Jacob, professeur de droit international, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Héreng Loïc et Emma Cacciamani
L’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies (ONU) réunie en assemblée plénière a adopté le 26 avril 2022, sans vote une résolution intitulée « Mandat permanent pour un débat de l’Assemblée générale lorsqu’un véto est opposé au Conseil de sécurité » qui impose désormais l’organisation d’un débat dans les dix jours ouvrables suivant l’exercice du droit de véto par un ou plusieurs membres permanents du Conseil de sécurité.
Comment le petit État du Liechtenstein a réussi à initier une réforme de l’ONU sur le droit de véto
Au cours de ce débat, tous les membres de l’organisation pourront examiner et commenter le véto. Cette résolution présentée par le Liechtenstein a été écrite par celui-ci avec néanmoins l’apport de plusieurs dizaines de délégations qui se sont portées co-autrices comme la France, les États-Unis ou encore le Royaume-Uni.
Pour rappel, le Conseil de sécurité est composé de quinze membres : cinq permanents pourvus du droit de véto que sont la Chine, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, et la Russie ainsi que dix autres États qui sont élus pour une durée de deux ans avec un renouvellement par moitié tous les ans. Une résolution du Conseil de sécurité est un texte ayant une valeur juridique contraignante, contrairement à une résolution prise par l’Assemblée générale. L’aspect contraignant des résolutions du Conseil de sécurité est consacré dans le droit international par l’article 25 de la Charte des Nations unies. Depuis 1946, les cinq États permanents sont les seuls à pouvoir bloquer toute décision grâce à leur droit de véto. Ce droit de véto a souvent été critiqué, car il donne la possibilité à ces cinq puissances de tenir à l’écart les États membres des Nations unies de leurs propres conflits. Néanmoins, le droit de véto, est une mesure de dernier recours, et doit être utilisé seulement si les autres possibilités sont épuisées.
UNE RÉSOLUTION ADOPTÉE DANS UN CONTEXTE DE GUERRE
La résolution présentée par le Liechtenstein n’est pas soudaine, celle-ci est le fruit d’un travail de réflexion que le Liechtenstein en la personne de Christian Wenaweser a commencé il y a plus de deux ans, avec un groupe restreint d’États. Et ce, en raison d’une préoccupation croissante du Conseil de sécurité de l’ONU, qui a de plus en plus de difficultés à mener à bien ses travaux du fait de la recrudescence de l’utilisation du véto par les États membres permanents, dont tout particulièrement la Russie.
D’autant plus que les États membres de l’ONU ont confié au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Le Conseil de sécurité agit en leur nom, le droit de véto doit donc être utilisé comme dernier recours et dans l’unique but d’œuvrer à la réalisation des attendus et principes énoncés par la Charte des Nations Unies.
Si le processus de création de cette résolution a été longuement réfléchi, son adoption s’est faite dans un contexte bien particulier. En effet, celle-ci a été adoptée deux mois après que la Russie ait exercé son droit de véto contre un projet de l’ONU exigeant qu’elle retire immédiatement, complètement et sans condition ses forces armées du sol ukrainien. La Russie est l’utilisateur le plus fréquent du droit de véto puisqu’elle a jusqu’à présent opposé son véto à 120 résolutions.
UN ÉVENTAIL D’OUTILS QUI ONT POUR OBJECTIFS DE SURMONTER LE BLOCAGE ET L’INACTION DU CONSEIL DE SÉCURITÉ
Ainsi, comme l’a souligné le représentant du Liechtenstein à l’ONU, un débat après l’utilisation du droit de véto par un membre du Conseil de sécurité« permettrait à l’Assemblée générale de s’exprimer lorsque le Conseil de sécurité n’est pas en mesure d’agir, conformément aux fonctions et aux pouvoirs de cette Assemblée ».
L’Assemblée générale des Nations Unies pourra donc tenir un débat lorsque le recours au droit de véto par un État membre permanent du Conseil de sécurité a suscité des retours contrastés de la part de l’Assemblée générale. La résolution accorde à titre exceptionnel, la préséance aux États permanents ayant opposé leur véto dans la liste des orateurs du débat ultérieur de l’Assemblée générale, les invitant ainsi à rendre compte des circonstances qui ont motivé le recours au droit de véto.
Néanmoins, il existe d’autres instruments qui peuvent contourner un blocage du Conseil de sécurité. La Charte des Nations unies en son article 12 prévoit que l’Assemblée générale ne puisse pas faire des recommandations sur des questions examinées par le Conseil.
Cependant, le mécanisme de l’union pour le maintien de la paix de 1950 permet à l’Assemblée générale de l’ONU d’adopter des mesures si le Conseil de sécurité manque à ses responsabilités. En effet, ce mécanisme, contrairement à l’article 12 de la Charte, permet de faire des recommandations même si le Conseil de sécurité est saisi. Le seul hic est que ce ne sont que des recommandations, c’est-à-dire qu’elles peuvent ne pas être suivies d’effets car elles ne sont pas contraignantes. Son utilisation est toutefois très encadrée car l’Assemblée n’a recouru à cet instrument qu’à neuf reprises depuis 1950, la dernière fois étant en février 2022 dans le cadre du conflit armé qui oppose l’Ukraine à la Russie.
Certains blocages du fait de l’utilisation du véto sur des questions d’une extrême importance ou d’un réel enjeu peuvent faire que le Conseil de sécurité manque à son obligation de maintien de la paix. Ainsi, le mécanisme et la réforme du droit de véto peuvent pallier à différentes échelles un blocage du Conseil de sécurité.
Par le débat et donc la justification devant les États membres de l’Assemblée générale, cette réforme pourrait pousser les membres permanents du Conseil de sécurité à restreindre leur utilisation du droit de véto. De plus, cela permettrait également aux autres États membres de l’ONU de faire entendre leur voix alors même que les quinze États membres, dont cinq États permanents du Conseil de sécurité, décident en leur nom.
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