La ministre de l’enseignement supérieur Frédérique Vidal considère que les présidents d’universités sont tenus à « un devoir d’obéissance » et doivent appliquer la hausse des frais de scolarité pour les étudiants étrangers. Pas tout à fait.
Dernière modification : 17 juin 2022
Auteur : Jérémy Surieu, sous la direction de Jean-Paul Markus
Source : Le Huffington Post, 17 janvier 2019
Les présidents d’universités, en tant qu’enseignants-chercheurs, bénéficient d’un principe d’indépendance et ne sont pas placés sous l’autorité hiérarchique du ministre de l’Enseignement supérieur. Mais en tant que présidents, ils sont tenus d’appliquer l’arrêté ministériel fixant les nouveaux tarifs sauf à se mettre en faute… du moins dès que cet arrêté sera publié.
Interrogée au Sénat le 16 janvier par des sénateurs à propos de la hausse des frais universitaires décidée récemment par le gouvernement pour les étudiants étrangers non européens, la ministre de l’enseignement supérieur Frédérique Vidal a estimé que les universités françaises, en tant qu’établissements publics opérateurs de l’État, étaient tenues par un « devoir d’obéissance » envers les décisions prises par le gouvernement. Sans se prononcer sur le passage des frais de scolarité de 243 à 2770 (licence) et 3770 (masters) euros dès la rentrée 2019, il faut préciser que si les présidents d’université sont bien tenus d’appliquer cette mesure, ce n’est pas en vertu d’un « devoir d’obéissance », surtout s’agissant d’universitaires qui bénéficient d’un principe d’indépendance à l’égard de l’État, mais en vertu de la loi.
L’article L712-2 du code de l’éducation fixe le statut du président de l’université ainsi que les différentes missions qui lui incombent. Il « est élu à la majorité absolue des membres du conseil d’administration parmi les enseignants-chercheurs, chercheurs, professeurs ou maîtres de conférences (…) », et à ce titre il est en charge notamment de la direction de l’université. Or une université, en tant qu’établissement public, est en charge d’un service public, c’est-à-dire d’une activité entièrement régie par les lois et règlements. Donc le président applique – obligatoirement – des lois et règlements. Or les frais de scolarité relèvent d’un arrêté du ministre, pas du président.
En effet, le président d’université détient un pouvoir réglementaire comme tout chef de service, qui lui permet, au nom de l’université, de définir par exemple les conditions d’examens ou l’organisation des services de l’université, mais ce pouvoir ne porte pas sur les frais de scolarité. Même si la loi de 2007 dite loi LRU, a considérablement accru les compétences dévolues au président d’université, elle ne lui a pas confié le pouvoir de fixer les droits de scolarité des formations générales.
En somme, le président applique les lois et règlement par fonction et pas par obéissance.
Comme nous l’avions rappelé dans un précédent article, le président d’université, en qualité d’enseignant-chercheur, jouit d’un principe d’indépendance qui constitue même un principe fondamental reconnu par les lois de la République selon le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État. Cela signifie qu’il n’est pas en tant qu’enseignant sous la hiérarchie du ministre et n’a pas à lui « obéir ». Mais en tant que président, il doit appliquer les textes.
En somme les déclarations de certains présidents d’universités tendant au refus d’augmenter les droits d’inscription tiennent plus de la protestation que du refus effectif, car pour l’instant l’arrêté ministériel sur les nouveaux tarifs n’est pas publié et aussi parce que ces tarifs n’entreraient en vigueur qu’en septembre 2019.
Si l’arrêté est publié, aucun président ne pourra le contourner, car aucun comptable public ne pourra encaisser des droits pour un montant qui ne correspond pas à celui de l’arrêté ministériel. Ce serait une faute grave du comptable public, et un président qui obligerait le comptable à commettre cette faute serait lui-même en faute.
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