La liste Insoumise “Rennes en commun” candidate aux municipales, propose “une révocation des élus à mi-mandat par initiative citoyenne”

Création : 8 février 2020
Dernière modification : 20 juin 2022

Auteurs : Brian Merz et Thibaud Lonjon, étudiants à Sciences Po Saint-Germain, sous la direction de Camille Morio, maîtresse de conférence en droit public à Sciences Po Saint-Germain

Source : Ouest France, 24 septembre 2019

La liste « Rennes en commun » prévoit en réalité d’instaurer un système de « mandat impératif », soumettant les élus à la volonté des électeurs pour chacun des choix qu’ils auront à effectuer durant leur mandat. C’est interdit par la Constitution, qui, à l’instar de l’ensemble des démocraties, instaure un système de mandat représentatif. Mais les candidats peuvent toujours s’engager dès maintenant à démissionner s’ils ne respectent pas leurs promesses.

La liste Insoumise de “Rennes en commun” candidate à la mairie de Rennes propose selon l’article de Ouest-France du 24 septembre 2019, « d’instaurer la révocabilité des élus par l’initiative citoyenne à partir de la mi-mandat afin de garantir le respect des engagements politiques ». Cette proposition de démocratie participative émane des groupes de citoyens qui ont travaillé sur les différentes sections thématiques du programme municipal.

Reste que cette proposition est impossible à réaliser en l’état de la législation en vigueur: la révocation des élus n’existe pas dans le droit français.

Créer un système de révocation des élus reviendrait à faire de leur mandat ce qu’on appelle un « mandat impératif », entièrement soumis aux électeurs : chaque fois qu’un élu devrait prendre position au conseil municipal ou comme maire, il devrait consulter ses électeurs et se conformer à leur avis. Or ce type de mandat est inconstitutionnel, L’article 27 de la Constitution prévoit que le mandat impératif est nul, et cette disposition a été rendue applicable aux mandats locaux par le Conseil constitutionnel le 26 mars 1998. Sans mandat impératif, on ne peut pas révoquer des élus pour leurs choix politiques. Ce qui prime dans la plupart des démocraties est le “mandat représentatif”, qui protège les élus dans leurs choix pendant leur mandat:  leurs votes sont purement personnels.

Cette idée de mandat impératif n’est toutefois pas une lubie, car il existe des bases juridiques dans le code du travail par exemple, avec l’article L 2314-36 du Code du travail qui permet aux travailleurs de révoquer des élus syndicaux. Mais les élus locaux de la République n’ont pas le même statut que les syndicalistes.

D’ailleurs, même le Conseil municipal ne peut révoquer un maire.

Seul le Gouvernement peut révoquer un maire ou des adjoints, sur la base de l’article L 2122-16 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). Ce pouvoir est utilisé seulement dans des cas très graves comme pour le maire d’Hesdin qui a été révoqué pour prise illégale d’intérêts, et complicité de faux et usage de faux en écriture. En outre, dans ces cas, c’est uniquement le mandat exécutif qui est révoqué : l’élu reste membre du conseil municipal.

Et même dans l’hypothèse où le droit autoriserait la révocation d’élus, celle-ci ne pourrait pas être initiée par les citoyens, pour de multiples raisons. Premièrement, les référendums locaux sont uniquement à l’initiative du conseil municipal (art.L.O. 1112-1 et L.O. 1112-2 du code général des collectivités territoriales). Deuxièmement, les consultations (article L1112-15 du même code), qui peuvent être d’initiative citoyenne n’offrent aucune garantie aux citoyens car le conseil municipal reste maître du jeu tout le long du processus (mise à l’ordre du jour, organisation de la consultation, résultat). Troisièmement, les pétitions régies par l’article 72-1 de la Constitution n’obligent absolument pas les autorités municipales à inscrire la question à l’ordre du jour du conseil.

Donc cette promesse électorale est impossible à réaliser. Aucune Révolution récente n’ayant eu lieu et la sixième République n’ayant pas été instaurée, il faut se contenter de suivre la Constitution de 1958 qui précise que tout mandat impératif est nul. Si la liste gagnait, elle pourrait au plus s’engager à démissionner si elle ne tenait pas ses engagements.

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