La détention de Georges Ibrahim Abdallah est-elle illégale comme l’affirment certains de ses soutiens ?
Dernière modification : 20 novembre 2024
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public, université de Poitiers
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Hugo Guguen, juriste
Source : Compte Facebook, le 15 novembre 2024
Le tribunal d’application des peines a ordonné, une nouvelle fois, la libération du prisonnier Georges Ibrahim Abdallah, mais le parquet a fait appel de la décision. Certains soutiens du Libanais assurent que sa détention est illégale. Pourtant, les différents recours et blocages demeurent des outils légaux.
Il est l’un des plus anciens détenus vivant encore dans les prisons françaises. Georges Ibrahim Abdallah, leader de la Fraction armée révolutionnaire libanaise, une organisation marxiste et anti-impérialiste, refait parler de lui.
Derrière les barreaux depuis 1984, le tribunal d’application des peines a ordonné sa libération, vendredi 15 novembre 2024. Toutes ces années, certains de ses soutiens ont dénoncé une détention illégale. Mais qu’en est-il ?
Condamné à perpétuité…
Georges Abdallah purge actuellement une peine de réclusion criminelle à perpétuité pour sa complicité dans l’assassinat d’un attaché militaire américain et d’un diplomate israélien en 1982. Condamné en 1987, il est toutefois libérable depuis 1999. Dès lors, il a multiplié les demandes de libération, en vain jusqu’à présent.
… mais libérable sous conditions
Ces refus étaient-ils illégaux pour autant ? L’article 729 du code de procédure pénale prévoit, dans sa version en vigueur au moment de la condamnation d’Abdallah et qui s’applique dans son cas, qu’en cas de condamnation à perpétuité, le détenu doit purger un temps d’épreuve de 15 années, avant de pouvoir espérer une libération conditionnelle.
Le révolutionnaire libanais ayant commencé à purger sa peine dès son arrestation en 1984, son temps d’épreuve a pris fin en 1999. Mais ce n’est pas tout. Le code de procédure pénale précise que cette liberté conditionnelle ne sera accordée que si les détenus “présentent des gages sérieux de réadaptation sociale“.
Du droit et de la politique
Les juges d’application des peines ont la plupart du temps justifié leur décision par l’absence de regrets de Georges Abdallah et du risque fort de récidive en cas de libération.
Mais quelques fois, sa demande a été acceptée. Ce fut le cas en 2003, quand le juge d’application des peines a ordonné sa libération. Mais le ministre de la Justice de l’époque, Dominique Perben, a demandé au parquet de faire appel de cette décision. La libération a finalement été refusée en appel.
En 2013, sa libération a de nouveau été ordonnée par le tribunal, sous condition qu’Abdallah soit expulsé du territoire français. Mais de nouveau, blocage au niveau politique.
Outre le fait que Laurent Fabius, alors ministre des Affaires étrangères, aurait reçu des pressions de la part de son homologue américaine Hillary Clinton pour ne pas libérer Georges Abdallah, c’est Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, qui coupe court en refusant de signer l’arrêté d’expulsion. Cet arrêté était pourtant une condition sine qua non de la libération. Pas d’expulsion, pas de libération.
Reste que ces refus et blocages — qu’on les soutienne ou les regrette — demeurent légaux et justifiés en droit. De nouveau ordonnée le 15 novembre 2024, la libération conditionnelle de Georges Abdallah est encore suspendue, le parquet national antiterrorisme ayant fait appel. Affaire à suivre…
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