Jordan Bardella : « Nous voulons donner la priorité aux familles françaises dans l’accès au logement social (…) le HLM est une aide sociale qui doit revenir d’abord aux Français »
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Aya Serragui
Source : France Inter, 7 mai 2024
Le Conseil constitutionnel a déjà déclaré contraire à la Constitution une proposition tendant à réserver les logements sociaux aux étrangers en France depuis cinq ans. Dans ces conditions, on voit mal comment la suppression du droit au logement social passerait, sauf à modifier la Constitution, et encore…
Jordan Bardella, président du Rassemblement national et tête de liste du même parti aux élections européennes, a déclaré vouloir réserver les logements sociaux de type HLM aux Français. Il affirme qu’il existe aujourd’hui une « préférence étrangère » qu’il faut inverser pour mettre en place une préférence nationale. Or, une telle proposition serait probablement déclarée inconstitutionnelle, car elle porte atteinte au principe de solidarité nationale consacré par le droit français.
La solidarité nationale vaut aussi pour les étrangers (en droit)
Dans la proposition de référendum d’initiative partagée (RIP) des Républicains en février), il était prévu de restreindre l’accès aux logements sociaux pour les personnes étrangères, avec une condition de cinq années de résidence en France de façon régulière, ou d’affiliation au titre d’une activité professionnelle d’une durée d’au moins trente mois. Par décision le 11 avril 2024, le Conseil constitutionnel a déclaré cette restriction excessive au regard des droits à la protection sociale, qui sont constitutionnels. Le Conseil s’est appuyé sur le Préambule de la Constitution de 1946, qui a la même valeur juridique que notre Constitution de 1958.
En effet, selon l’alinéa 11 du Préambule de 1946 cité par le Conseil : « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. » Ce texte « implique la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale en faveur des personnes défavorisées » selon le Conseil constitutionnel, et ce principe vaut pour toutes les personnes défavorisées résidant sur le territoire français, quelle que soit leur nationalité. Le Conseil constitutionnel précise toutefois que cette exigence ne fait pas obstacle à des restrictions, comme, justement, la nécessité de résider sur le territoire français ou de travailler depuis un certain temps pour bénéficier des aides sociales.
Modifier la Constitution et réserver la solidarité aux Français ? Même pas certain de passer
Si le Conseil estime qu’une durée de cinq ans ou trente mois d’affiliation à la Sécurité sociale comme condition d’accès aux logements sociaux pour les étrangers porte une atteinte disproportionnée au principe de solidarité nationale, on peut imaginer sans peine qu’il jugera inconstitutionnel la suppression de tout accès au logement social pour les étrangers. Le Conseil ne ferme donc pas la porte à une possible restriction dans l’accès aux logements, pourvu que cette restriction ne soit pas considérée excessive.
Par conséquent, pour faire passer sa proposition telle quelle, Jordan Bardella devra tenter de modifier la Constitution pour réserver la solidarité aux Français. Sur cette base ensuite, il pourra faire voter des lois excluant les étrangers de la solidarité nationale. Et encore… il n’est pas certain que d’autres principes ne puissent jouer un rôle, comme le droit au respect de la dignité humaine par exemple.
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