Jordan Bardella : “la double frontière, c’est le refoulement systématique des bateaux de migrants qui veulent arriver sur le sol européen”

Création : 27 mai 2024

Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public

Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Aya Serragui

Source : Débat LCI, 23 mai 2024

Le double refoulement, c’est surtout l’assurance d’être sanctionné par l’UE et la Cour européenne des droits de l’Homme, sauf à obtenir de larges dérogations ou à en sortir.

Jordan Bardella, tête de la liste Rassemblement national pour les élections européennes, a présenté son programme pour lutter contre l’immigration lors de son débat face au Premier ministre Gabriel Attal. Il souhaite appliquer une double frontière, qui implique de refouler systématiquement tous les bateaux de migrants qui arrivent sur les côtes de l’Union européenne. Un projet contraire au principe international d’interdiction du refoulement.

Le non-refoulement, principe majeur des droits international et européen

Empêcher des personnes d’atteindre le territoire d’un État pour y déposer une demande d’asile est interdit par le principe de non-refoulement. L’article 33 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés prévoit qu’aucun État “n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée“. L’article 34 prévoit toutefois une exception, lorsque la personne refoulée présente un danger pour la sécurité de l’État. Le principe de non-refoulement est aussi prévu à l’article 78 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

La France, étant partie à cette Convention et membre de l’Union européenne, est tenue de s’y conformer, selon l’article 55 de notre Constitution et le Préambule de celle de 1946 selon lequel “la République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international“.

Qu’encourt la France si elle refoule malgré tout ?

La France s’exposerait à des sanctions provenant de différentes institutions si elle ne se conformait pas au principe de non-refoulement. Lorsqu’elle éloigne une personne de son territoire, elle doit s’assurer que cette personne soit en sécurité. La Cour de Justice de l’Union européenne a par exemple sanctionné le Royaume-Uni en 2011 car l’État avait renvoyé une personne en Grèce, où elle risquait d’être transférée en Turquie, pays où sa sécurité n’était pas assurée. La Cour européenne des droits de l’Homme a adopté la même jurisprudence en 2011, en condamnant la Belgique pour un cas similaire.

Si le RN arrivait au pouvoir en France (bien que ce ne soit pas l’objet de l’élection du 9 juin prochain), il lui faudrait soit obtenir des dérogations massives (hautement improbable), soit quitter l’Union européenne et le Conseil de l’Europe pour éviter les sanctions.

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