Jean Messiha demande la déchéance de nationalité pour l’athlète Muhammad Abdallah Kounta

Création : 19 août 2024

Auteur : Grégoire Delcamp, étudiant en master Droit international et droit européen à l’Université de Lille

Relecteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Source : Compte X de Jean Messiha, 14 août 2024

Si Muhammad Abdallah Kounta est né français, il ne peut pas être déchu de sa nationalité. S’il a été naturalisé, la déchéance de nationalité doit respecter un certain nombre de conditions et ne pas le rendre apatride.

Le débat autour de la déchéance de nationalité refait surface en France suite aux propos de Jean Messiha (ancien candidat Reconquête aux européennes et proche d’Eric Zemmour), qui a récemment appelé à ce que l’athlète Muhammad Abdallah Kounta soit déchu de sa nationalité française et renvoyé dans son pays d’origine, pour des déclarations jugées inacceptables.

Outre l’impossibilité de le renvoyer dans son pays d’origine (M. A. Kounta est né à Paris), la question de sa déchéance de nationalité peut poser des difficultés en droit. Mais cela dépend des conditions avec laquelle il a obtenu la nationalité française.

Faute de renseignements supplémentaires (nous n’avons pas réussi à le joindre), deux hypothèses sont à établir : si M. A. Kounta a la nationalité française depuis sa naissance, la déchéance de sa nationalité n’est pas prévue dans le droit français, même s’il est binational. Si l’athlète a été naturalisé français, il peut être déchu de sa nationalité selon certaines conditions, pourvu que cela ne le rende pas apatride.

Première hypothèse : M. A. Kounta est français par naissance

Le droit français ne prévoit pas la déchéance de nationalité pour les personnes ayant obtenu la nationalité française à la naissance, même s’ils sont binationaux. À la suite des attentats de novembre 2015, le Président de la République François Hollande avait proposé d’étendre la déchéance de nationalité aux binationaux ayant obtenu la nationalité française à la naissance.

Les chambres du Parlement ne se mettant pas d’accord sur le projet de révision constitutionnelle, celui-ci est abandonné. Si l’athlète est français depuis la naissance, il ne peut pas être déchu de sa nationalité.

Seconde hypothèse : M. A. Kounta a été naturalisé français

L’article 25 du Code civil énonce les conditions selon lesquelles un individu peut être déchu de sa nationalité française : s’il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme.

Les propos tenus par le sportif Français Muhammed Abdallah Kounta peuvent être susceptibles d’une ouverture de poursuite judiciaire, le président de la fédération française d’athlétisme a d’ailleurs saisi le procureur de la République.

Si un tribunal condamne l’athlète pour un de ces motifs, il peut également être déchu de sa nationalité. Seule limite : cela ne doit pas avoir pour conséquence de le rendre apatride, s’il ne possède que la nationalité française.

L’article 25-1 du Code civil ajoute que la personne peut être déchue de sa nationalité que si les faits reprochés sont intervenus antérieurement à sa naturalisation ou moins de dix ans après elle.

Un apatride, qu’est-ce que c’est ?

Un apatride est une personne qui n’est reconnue comme ressortissant d’aucun État. Autrement dit, c’est une personne qui ne possède la nationalité d’aucun pays.

Cette situation peut avoir diverses causes, telles que des conflits, des changements de frontières, des lacunes dans les législations nationales ou encore par la politique d’un État enlevant la nationalité à une personne ou un groupe de personnes (par exemple les Rohingyas en Birmanie).

La loi française interdit l’apatridie

L’article 25 du Code civil interdit de déchoir un individu qui a été naturalisé français de sa nationalité “si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride” et ce, même s’il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme.

Le droit international assez peu contraignant

Les États se sont accordés pour éviter l’apatridie, au sein de différents textes internationaux : les conventions relatives aux apatrides de 1954 et 1961, l’article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (des textes non contraignants pour les États) et la Convention européenne sur la nationalité de 1997, qui prévoit à son article 7 l’interdiction de prononcer une déchéance de nationalité qui pourrait avoir pour conséquence de rendre la personne apatride. Il faut noter que la France n’a pas ratifié cette dernière Convention.

En somme, M. A. Kounta ne peut être déchu de sa nationalité française que s’il a été naturalisé il y a moins de dix ans et si la perte de cette nationalité ne le rend pas apatride.

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