Jean-Bernard Dufourd, maire de Naujac-sur-Mer, interdit les véhicules avec caméras-radars embarquées car selon le code de la route «tout conducteur doit se tenir constamment en état (…) d’exécuter (…) toutes les manœuvres qui lui incombent »
Dernière modification : 15 juin 2022
Auteur : Jean-Paul Markus
Source : Ouest-France, 8 mai 2018
L’arrêté du maire de Naujac-sur-Mer est assurément illégal, car d’une part le véhicule est entièrement automatisé dans sa fonction de contrôle, et car d’autre part un maire ne peut se mêler des modalités pratiques des contrôles effectués par la police nationale ou la gendarmerie.
Jean-Bernard Dufourd, maire de Naujac-sur-Mer (Gironde), sort son arme anti-véhicules-radars gérés par des entreprises privées et non plus conduits par les forces de police : un arrêté municipal d’interdiction, reposant sur l’article R. 411-6 du code de la route, selon lequel « tout conducteur doit se tenir constamment en état et en position d’exécuter commodément et sans délai toutes les manœuvres qui lui incombent ».
Cet article R. 411-6 vise surtout, on l’aura compris, les conducteurs téléphonant d’une main et tenant le volant de l’autre, ou encore le chauffeur de poids lourd regardant la télévision.
Le conducteur d’un véhicule avec caméras-radars embarquées sera un agent d’une société privée, seul au volant d’un véhicule appartenant à l’Etat. Mais ce conducteur n’étant pas agent de police, le contrôle de la vitesse des véhicules est entièrement automatisée, ce qui signifie que le conducteur n’a d’autre mission que d’effectuer un trajet prédéfini. Chaque photo prise automatiquement par la caméra est envoyée tout aussi automatiquement au centre de police chargé de verbaliser. Le fait que le conducteur n’ait pas à agir sur la fonction de contrôle de la vitesse était la condition pour que l’ensemble de l’opération soit légal, car nul autre qu’un agent de police ne peut exercer un contrôle de police et verbaliser. En somme, l’Etat n’a fait que sous-traiter la conduite de véhicules avec caméras-radars embarquées, pas les contrôles.
On en conclut que le conducteur d’une société privée respecte le code de la route et n’est pas gêné par le matériel de contrôle qu’il transporte. Le maire de Naujac-sur-Mer n’est donc pas fondé à interdire une pratique qui ne présente pas de danger au regard du code de la route. Sinon, il faut également que le maire interdise, sur le même motif, les véhicules Google qui sillonnent les routes de France pour que tout un chacun puisse admirer la façade de sa maison sur le Net, ou encore les VTC et les taxis.
Mais ce n’est pas la seule source d’illégalité de l’arrêté du maire. Une autre cause d’illégalité est la compétence (en d’autres termes, qui fait quoi ?) : en principe, un maire ne peut prendre un arrêté de police dans un domaine qui relève des seuls préfets. Or ce sont les préfets qui décident, au nom de l’Etat, des modalités opératoires de la police nationale. Donc les maires peuvent prendre des arrêtés sur le respect du code de la route, mais pas sur la façon dont la police nationale ou la gendarmerie exercent leurs contrôles. Ajoutons que l’arrêté du maire de Naujac-sur-Mer peut être regardé comme un détournement de pouvoir, car lui-même a précisé, lors de nombreuses interviews, qu’il déplorait la « privatisation » des contrôles de vitesse : c’est son droit, mais il ne peut utiliser ses pouvoirs de police afin de contrecarrer une politique nationale et faire prévaloir ses vues politiques.
On ne saurait trop suggérer à M. le Maire de chercher une autre piste s’il veut préserver ses administrés de tout contrôle de vitesse embarqué : vérifier la légalité des marchés publics entre l’Etat et les sociétés privées mettant des chauffeurs à sa disposition, ou encore inciter ses mêmes administrés à respecter les limites de vitesse, comme c’est son devoir en tant qu’autorité de police selon la loi (« le maire rappelle les citoyens à l’observation des lois »).
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