Gérald Darmanin tient sa “promesse” d’interdire la diffusion d’images de policiers et de gendarmes sur les réseaux sociaux
Dernière modification : 21 juin 2022
Autrice : Inès Hammadi, étudiante en Master 2 droit européen à l’Université Paris-Est-Créteil, sous la direction de Vincent Couronne, docteur en droit européen, chercheur au laboratoire VIP (Paris-Saclay)
Source : BFM, Bourdin direct, le 2 novembre 2020
Interdire de montrer les visages des forces de l’ordre en opération aura des limites, car le droit européen permet aux journalistes au sens large de se soustraire à cette obligation.
Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, a apporté son soutien à la proposition de loi sur la “sécurité globale”, notamment la disposition limitant le droit de diffuser l’image d’un fonctionnaire de police ou de gendarmerie. Ce texte doit être débattu à l’Assemblée nationale à partir du 17 novembre et prévoit qu’est « puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police ». Le problème, c’est que ce texte est à la fois inutile et dangereux pour la liberté d’expression.
La France, puisqu’elle est membre de l’Union européenne, intègre dans son droit le règlement européen général de protection des données (RGPD).
Cet acte législatif adopté par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne exige que chaque traitement de donnée, comme une vidéo, soit soumis au consentement de la personne concernée. Toutefois, comme l’a rappelé une circulaire du 23 décembre 2008, la liberté d’expression prime sur le droit à l’image. Ainsi, au nom de la liberté d’expression, le RGPD (article 85, paragraphe 2) prévoit que la diffusion de ces données n’a pas à être soumise à autorisation lorsque les images sont diffusées à des fins journalistiques. Or la notion de “journaliste” au sens européen est très large : la Cour de justice de l’Union européenne a considéré que même une personne n’exerçant pas la profession de journaliste peut être protégée par ce texte lorsqu’elle diffuse des images “à des fins journalistiques”, c’est-à-dire dans le but de publier des informations pour le public.
La Cour européenne des droits de l’homme, dont les décisions doivent être respectées par la France, protège largement le droit pour les journalistes d’informer. Ils sont un véritable “chien de garde de la démocratie” et bénéficient, à ce titre, d’une liberté d’expression renforcée pour pouvoir dénoncer, par exemple, des violences policières.
Mais il y a une limite : celle de l’incitation à la haine, à la violence ou encore à la discrimination raciale ou encore la provocation à la commission d’un meurtre ou d’une dégradation. On se demande alors pourquoi cette proposition de loi veut interdire la diffusion des images d’un agent “dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique”. En réalité, la loi française punit déjà ce genre de diffusion.
Ainsi, ce projet de loi demeure inutile face au droit déjà existant. Contacté, Gérald Darmanin n’a pas répondu à nos questions.
Une erreur dans ce contenu ? Vous souhaitez soumettre une information à vérifier ? Faites-le nous savoir en utilisant notre formulaire en ligne. Retrouvez notre politique de correction et de soumission d'informations sur la page Notre méthode.