Capture d'écran Facebook

François Ruffin a-t-il été traité de “fasciste” lors de la Fête de l’Humanité ?

Création : 18 septembre 2024

Autrice : Julia Terradot, journaliste

Relecteurs : Lili Pillot et Etienne Merle, journalistes

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste

Source : Compte Facebook, le 14 septembre 2024

Lorsque la foule se lance dans un chant antifasciste passionné pendant un débat en présence de François Ruffin lors de la Fête de l’Humanité, les réseaux s’affolent. Certains y voient une mise en cause de l’ancien député LFI, très critiqué pour ses dernières sorties sur le parti de Jean-Luc Mélenchon. Mais est-ce bien ce qu’il s’est passé ?

Le divorce entre La France insoumise (LFI) et le député François Ruffin semble acté. Le 11 septembre dernier, en pleine promotion pour son nouveau livre, le député de la Somme revient, au micro de BFMTV, sur la campagne électorale de 2022 où il critique la stratégie électorale qui avait été mise en place par LFI et Jean-Luc Mélenchon. Des déclarations vivement critiquées par une partie de la gauche et notamment les cadres de la France insoumise.

Trois jours plus tard, Claire Jacquin, la chargée de communication de l’Institut la Boétie, un think tank financé par le parti de gauche, publie sur X une vidéo qui se veut embarrassante pour le député de la Somme.

Lors d’un débat organisé à la Fête de l’Humanité en présence de François Ruffin, on entend le public répétant haut et fort “Siamo tutti antifascisti [Nous sommes tous antifascistes]”, un chant populaire dans les milieux antifascistes. La vidéo balaye la foule puis se porte sur François Ruffin, les yeux rivés sur ses documents.

En légende de sa publication, Claire Jacquin écrit : “L’Huma répond à Ruffin : Siamo tutti antifascisti.”  Il n’en faut pas plus pour que la machine s’emballe. Le tweet — vu plus de 6 millions de fois — fait l’objet de nombreuses publications reprenant la théorie selon laquelle, la foule serait hostile à François Ruffin.

Pour certains internautes, cela va même plus loin : “Ruffin se fait traiter de fasciste par LFI à la fête de l’Humanité. Il faut combattre le fascisme d’extrême-gauche sans relâche”, écrit l’un d’entre eux sur Facebook.

Sans vidéo complète du débat, le doute plane : le chant antifasciste visait-il le député et ses déclarations sur La France insoumise ?

Premier chant

Reprenons depuis le début. Au débat intitulé “Comment unir les classes populaires pour défaire le RN ?” du 14 septembre, la seule mention de François Ruffin par le présentateur provoque des huées du public. Quand le député entre sur scène, même accueil, d’après ce montage vidéo d’extraits de la séance. L’accueil est sans nul doute plutôt hostile.

Sur l’enregistrement audio de la totalité du débat, partagé par l’Humanité, un premier “Siamo tutti antifascisti” est lancé à la fin des introductions des participants. Sur les vidéos, on aperçoit la députée écologiste Marie Pochon applaudir au rythme du refrain. “Je ne l’ai pas vu comme un signe de défiance envers François Ruffin, sinon je n’aurai pas applaudi”, explique la députée, contactée par Les Surligneurs.

“Ce n’était pas du tout dirigé vers Ruffin, au contraire”, se souvient Anthony Cortes, journaliste à l’Humanité et animateur de cette séance.“C’était un moment fort et important”. “Le thème du débat était ‘défaire le RN’. Évidemment, cela appelle à faire un chant antifasciste”, commente-t-il.

“Débat constructif”

L’enregistrement audio complet du débat dévoile un deuxième chant, lancé suite à l’intervention d’un autre invité du débat, le député LFI Raphaël Arnault. Dans une tirade de plusieurs minutes, il appelle à lutter contre le fascisme par un antiracisme fort, avant le retentissement des applaudissements du public et d’un deuxième « Siamo tutti antifascisti ».

Là encore, difficile d’y voir une réaction directe du public aux propos de François Ruffin quelques jours plus tôt, comme le souligne Anthony Cortes : “Je m’en serai aperçu et je serai forcément intervenu”, affirme-t-il. Une membre de l’équipe de François Ruffin, sur place pendant l’intégralité du débat, l’interprète également comme une célébration du discours antifasciste.

“L’accueil de la salle était beaucoup plus nuancé que ce qu’on a pu voir dans les médias”, ajoute la collaboratrice de François Ruffin. Selon cette dernière, une majorité du public souhaitait simplement écouter les discussions. “Quelques dizaines de militants huaient François”, admet-elle, “mais il a été largement applaudi à d’autres moments de la conférence”.

“C’était un débat très constructif”, conclut Anthony Cortes, qui regrette l’absence d’une vidéo complète de la séance. D’après le journaliste, la régie du festival était indisponible, car elle couvrait un autre événement simultané.

 

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