Faut-il vraiment crocheter un faux nid pour repousser les frelons ?
Autrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Gladys Costes, étudiante en licence de Science politique à Lille
Source : Compte Facebook, le 7 juillet 2024
Pour lutter contre les frelons cet été, il suffirait de tricoter un nid afin qu’ils ne s’installent pas à côté. Une fausse bonne idée qui n’a aucun fondement scientifique et qui peut se révéler contre-productive.
Laissez tomber l’insecticide et les pièges ! Pour repousser les frelons, munissez-vous d’une bonne dose de patience, de laine et d’un crochet, et c’est dans la poche ! Ces posts très populaires sur Facebook proposent de suspendre un leurre aux allures de nid de frelons dans vos jardins pour se débarrasser de ces insectes.
L’idée est belle, écologique et peu coûteuse. Mais il semblerait que cette solution miracle serait plutôt un mirage, selon les spécialistes interrogés par les Surligneurs. Ce genre de leurre, s’il est inoffensif, est inefficace.
Le 7 juillet dernier, plusieurs pages spécialisées dans le conseil en tout genre ont posté la même photo de faux nid de frelons, accompagnée du même texte assurant que “depuis que j’ai mis mon faux nid de frelons, il n’y en a pas eu un seul.”
Une publication qui fait le tour du monde depuis quatre ans
Les publications, qui comptent plus de 8 millions de vues et sont rédigées à la première personne, sont en réalité une traduction succincte d’un post Facebook d’une Américaine datant du 19 avril 2020. La publication d’origine a été reprise des millions de fois en anglais, en français, en coréen, mais aussi en russe et en slovène.
Des tas d’artisans se sont mis à vendre de faux nids en crochet sur Etsy quand de nombreuses boutiques en ligne proposent des leurres en laine ou même en papier mâché. Il est clair que la méthode a fait des adeptes, mais son efficacité, elle, n’est pas prouvée.
Tout le projet repose sur l’idée que les frelons ne s’installeraient pas à proximité d’un autre nid. C’est, en tout cas, ce qu’expliquent les publications Facebook : “Après avoir lu que les frelons étaient territoriaux et qu’ils ne s’aventuraient pas dans les zones où des nids étaient déjà présents, j’ai décidé d’en faire un faux en crochet.” Problème : c’est faux.
Les frelons ne sont pas territoriaux
“Si ça fonctionnait vraiment, je tricoterais le soir devant la télé, ironise Bruno Moreau, apiculteur et spécialiste de la désinsectisation des frelons en Haute-Saintonge. Il m’est arrivé à plusieurs reprises de trouver des nids proches les uns des autres. Les vrais nids ne font pas peur à la concurrence alors les faux, encore moins.”
Même son de cloche pour Quentin Rome, chargé de mission « Frelon asiatique & Hyménoptères » à PatriNat (OFB-MNHN-CNRS-IRD) : “Les frelons ne sont pas particulièrement territoriaux. Il y a confusion avec le fait que les reines fondatrices se volent souvent les nids entre elles et qu’il peut y avoir des bagarres sur les sites de chasse.”
De vraies guêpes dans le faux nid ?
Pire encore, ce genre de faux nids pourrait être contreproductif. “Si le faux nid est creux à l’intérieur, le risque, c’est qu’un vrai nid de guêpes ou de frelons vienne s’installer dedans, explique Gilles Lanio, référent frelon auprès de l’Union Nationale de l’Apiculture Française. Ils cherchent des cavités à l’abri de la pluie pour faire leurs nids, c’est l’endroit rêvé pour eux.”
Le fait que cette publication soit si populaire en France n’est pas étonnant. Depuis l’introduction accidentelle du frelon asiatique en 2004, la population de l’insecte a explosé en France et en Europe. Cette guêpe sociale opportuniste — elle mange peu ou prou tout ce qui lui tombe sous la patte, dont les “abeilles à miel” — est devenue un véritable danger pour la filière de l’apiculture déjà fragilisée par les pesticides, l’artificialisation des terres et les parasites comme le varroa.
Piéger ou ne pas piéger ?
Pour contrer ou diminuer son impact sur les abeilles, le réflexe numéro un est le piégeage, mais celui-ci est controversé pour sa non-sélectivité (on piège les frelons asiatiques, mais aussi d’autres insectes). Comme l’explique Quentin Rome : “Je préfère que les particuliers fassent du tricot plutôt que de poser des pièges particulièrement peu sélectifs et grandement dommageables à la biodiversité.”
Rien ne vous empêche de crocheter de jolis petits nids, mais pour lutter efficacement contre les frelons, il vaudrait mieux opter pour le piégeage sélectif et la destruction des nids, mais pas à toutes les saisons.
“Si vous posez un piège maintenant, vous attraperez peut-être 20, 50 ou même 100 frelons, mais ça ne changera pas le cours de l’Histoire. Pour avoir un impact, il faut plutôt attraper les reproductrices au printemps, conseille Gilles Lanio, lui-même apiculteur depuis 47 ans. Quand les reines font leur nid primaire entre début février et fin avril, il y a très peu d’insectes et les nids sont petits et faciles à détruire.”
Autant dire que, pour cet été, ça semble déjà cuit pour le piégeage. Ceci dit, face à un nid de frelons, Les Surligneurs vous conseillent de faire appel à un professionnel et de contacter votre mairie. Certaines municipalités prennent en charge une partie du coût de la destruction du nid.
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