Face à l’immigration “incontrôlée” Valérie Pécresse veut instaurer des quotas votés chaque année par le Parlement
Dernière modification : 24 juin 2022
Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit, Université Paris-Saclay
Source : Le Figaro, 23 septembre 2021
Promesse déjà faite par ailleurs et qui pose question : comment limiter le regroupement familial protégé par la Constitution ? Les immigrants de l’Union européenne sont-ils concernés ? Et surtout comment faire respecter ces quotas légaux pour éviter d’ajouter des lois ineffectives aux nombreuses lois ineffectives existant déjà. Longtemps conseillère d’État, Valérie Pécresse sait tout cela.
Valérie Pécresse, candidate à l’élection présidentielle, a défendu devant le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin sa promesse d’instaurer des quotas d’immigration qui seraient votés chaque année par le Parlement (Le Figaro du 22 juillet 2021). Idée déjà développée à droite, et dont nous avions déjà surligné (Eric Ciotti) le caractère très aléatoire. Puisque nous n’avons pas été compris, on va le dire autrement.
Le Parlement peut évidemment graver dans la loi des quotas d’immigration par métiers. Mais combien de lois sont-elles ainsi votées, sans effet ? Ce n’est pas seulement un problème factuel : trop de lois sont votées en toute connaissance de cause comme des instruments de communication (les juristes disent “incantatoires”), alors qu’elles restent largement inexécutées, parce que très difficiles à mettre en œuvre. Cela brouille l’État de droit, et surtout cela contribue à discréditer la loi aux yeux du citoyen.
Voter des quotas ne suffit pas à les rendre effectifs
Voter des quotas au Parlement n’est pas magique, ni performatif en soi. Il faut ensuite les faire respecter et y mettre des moyens. Ces moyens doivent être évalués à l’avance (c’est ”l’étude d’impact” de la loi, qui est obligatoire depuis 2009). Il faut donc, au moment du vote de la loi imposant des quotas, en évaluer les conséquences, notamment sur l’emploi public. En d’autres termes : combien faudrait-il d’agents publics en plus aux frontières, dans les gares, les ports, dans nos consulats, etc., pour faire respecter ces quotas ? La France n’est pas une île bunkerisée étanche à toute immigration, et les moyens manquent pour ramener les immigrants irréguliers chez eux. D’autant qu’il est impossible d’expulser vers des États en guerre ou quand le pays d’origine refuse. L’ineffectivité des quotas a déjà été prouvée dans un rapport remis au ministère de l’Intérieur en 2008.
De plus, de nombreuses conditions d’entrée en France existent déjà dans la loi. Et pourtant elles n’empêchent pas ce que Valérie Pécresse dénonce comme de l’immigration incontrôlée. Elle pourra toujours faire voter une loi de quotas, mais elle ne dit pas comment elle la mettra en œuvre.
Les quotas sont parfois interdits
Enfin, il est juridiquement impossible de fixer des quotas dans certains cas. Doivent en effet être respectés : 1/ le principe de libre circulation dans l’Union européenne (plus la Norvège, l’Islande, le Liechtenstein et la Suisse) ; 2/ le droit d’asile prévu par la Constitution et les conventions internationales ; 3/ le droit au regroupement familial, reconnu par l’Union européenne, la Convention européenne des droits de l’homme (art. 8), et le juge français.
Prière de préciser…
La promesse de Valérie Pécresse est donc bien trop vague. Elle devra préciser quelles catégories d’immigrants elle vise ; comment elle compte limiter le regroupement familial ; surtout, comment elle fera respecter ces quotas, pour éviter d’ajouter des lois ineffectives aux nombreuses lois ineffectives existant déjà. Ajoutons que Valérie Pécresse, qui n’a pas répondu à nos questions, a longtemps été conseillère d’État et qu’elle sait tout cela.
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