Fabien Roussel sur les écoles hors contrat : “on ne sait pas ce qu’on y enseigne”, “je les ferai fermer”
Dernière modification : 30 septembre 2022
Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Auteur : Raphaël Matta-Duvignau, maître de conférences en droit public, chercheur au centre de recherches VIP, Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Emma Cacciamani et Yeni Daimallah
Source : CNEWS, 9 mars 2022, relayé sur son compte Twitter
Curieux pour un député de tant méconnaître la loi : les contrôles existent sur les écoles hors contrat, il faut les appliquer voire les renforcer. Quant à les fermer, cette promesse est bien imprudente.
Fabien Roussel, candidat communiste à l’élection présidentielle, s’exprimait sur CNEWS pour dénoncer les écoles privées hors contrat, qu’il entend donc fermer. “Je combats les écoles hors contrat” ; “derrière les murs, on ne sait pas ce qui s’y passe, qui enseigne, ce qu’ils enseignent” ; ”l’État n’a pas le droit d’y mettre son nez (en dehors des) règles d’hygiène”.
Autant d’affirmations fausses en droit. Nous l’avions déjà souligné à propos d’une volonté d’Emmanuel Macron de limiter l’enseignement à domicile, l’enseignement hors contrat est étroitement contrôlé, depuis peu il est vrai.
Des écoles hors contrat sous contrôle étroit depuis 2018 et 2021
Que les contrôles sur ces écoles puissent être défaillants, les faits l’ont incontestablement révélé. Mais en droit, une école privée hors contrat ne saurait faire n’importe quoi, la loi ayant été considérablement renforcée en 2018 (loi visant à “simplifier et mieux encadrer le régime d’ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat”) et 2021 (loi “confortant le respect des principes de la République”).
Déjà, une école hors contrat ne peut ouvrir sans s’être déclarée trois mois à l’avance (régime de déclaration préalable). Si durant ce délai, l’autorité (par exemple le maire, le recteur, le procureur de la République) ne s’y est pas opposée, elle peut alors ouvrir. Toute ouverture en dehors de cette procédure fait encourir une peine d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. De plus, la déclaration doit comporter de nombreux détails sur le personnel (dont le casier judiciaire) et le fonctionnement de l’école.
Ensuite, quant aux programmes, selon le Code de l’éducation, les écoles hors contrat “sont entièrement libres dans le choix des méthodes, des programmes, des livres et des autres supports pédagogiques, sous réserve de respecter l’objet de l’instruction obligatoire” à savoir, selon le même Code, les ”fondamentaux du savoir” et “connaissances de base”, la ”culture générale”, le développement d’un ”esprit critique permettant de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, de partager les valeurs de la République et d’exercer sa citoyenneté”. Ces écoles doivent également apporter à leurs élèves un “socle commun de connaissances”.
Enfin, il est prévu que le “contrôle des classes hors contrat afin de s’assurer que l’enseignement qui y est dispensé respecte les normes minimales de connaissances requises”. En cas de non-respect de ces obligations, ou en cas de refus de contrôle, l’autorité peut prononcer la fermeture de l’établissement, ce qui s’est déjà fait à l’encontre d’écoles religieuses musulmanes, mais aussi catholiques.
Reste, et l’on ne peut qu’aller dans le sens de Fabien Roussel, à exercer un contrôle plus effectif de ces écoles, et donc à y consacrer les moyens nécessaires en vue d’appliquer la loi.
Des écoles hors contrat protégées par la Constitution
Si les manquements doivent être réprimés, il n’en reste pas moins que la liberté de l’enseignement est proclamée par le Code de l’éducation, et surtout par la Constitution. Cette liberté a été érigée au rang de principe constitutionnel en 1977. C’est pourquoi, si la loi rappelle que l’instruction obligatoire doit être “assurée prioritairement dans les établissements d’enseignement”, elle peut être donnée “soit dans les établissements ou écoles publics ou privés, soit dans les familles par les parents (…) ou toute personne de leur choix”.
Cette liberté est également garantie par les accords internationaux. L’article 2 du protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme impose aux États de respecter le droit des parents d’assurer l’éducation de leurs enfants et de choisir un enseignement respectueux de leurs convictions religieuses et philosophiques.
Ajoutons enfin que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne protège “le droit des parents d’assurer l’éducation et l’enseignement de leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses, philosophiques et pédagogiques”.
Mettre obligatoirement toutes les écoles privées sous contrat ?
Il est vrai qu’aucun de ces textes et principes que nous avons cités ne protège explicitement les écoles hors contrat. Ils protègent en tout cas l’existence même d’un enseignement privé. À la limite, Fabien Roussel pourrait renforcer les conditions d’ouverture, en soumettant cette ouverture non plus à une déclaration préalable, mais à une autorisation (ce que prônent certaines associations).
Il pourrait aussi rendre le contrat obligatoire et supprimer le régime des écoles hors contrat. Vu toutes les obligations qui ont été mises en place en 2018 et 2021 sous peine de fermeture des écoles hors contrat, on en est finalement pas très loin. Sauf qu’il faudra alors que l’État prenne en charge les salaires des enseignants de ces écoles, comme c’est déjà le cas pour les écoles sous contrat. Solution qui ne lui conviendra probablement pas.
Contacté, Fabien Roussel n’a pas répondu à nos sollicitations.
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