Fabien Roussel, Secrétaire national du PCF : « Les revenus financiers (dividendes, plus-values boursières), ça cotise pas pour les retraites »

Création : 19 janvier 2023
Dernière modification : 11 février 2023

Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay

Relecteur : Pascal Caillaud, chargé de recherche CNRS, Laboratoire Droit et Changement social, Nantes Université

Relecteur : Maxime Bisiau, élève-avocat en droit de la protection sociale et droit du travail, École de Formation des Barreaux

Secrétariat de rédaction : Héreng Loïc et Emma Cacciamani

Source : France Inter, Le grand entretien, 17 janvier 2023 9-10’

Celui qui ne vit que de ses revenus boursiers ne cotise peut-être pas à aucun régime de retraite, mais il y contribue quand même par certains impôts. De plus, il ne touchera rien une fois arrivé à l’âge de la retraite en dehors du « minimum vieillesse » qu’il contribue d’ailleurs à financer. Or ceux qui vivent de revenus boursiers ne sont pas tous milliardaires.

Fabien Roussel, répondant à Léa Salamé et Nicolas Demorand sur France Inter, argumentait avec véhémence contre la réforme en chantier du régime des retraites. Parmi ses propositions, celle « d’élargir l’assiette de financement » du système de retraite en « faisant participer le capital », notamment les dividendes et plus-values boursières. Il ajoute dans un tweet : « Quand vous travaillez, vous cotisez pour les retraites. Quand vous touchez des revenus financiers, des dividendes, vous ne payez rien (pour les retraites) ». Or, d’abord, les revenus financiers participent bien au financement des retraites. Ensuite, il existe une raison pour laquelle ces revenus participent moins que les autres à ce financement.

Les revenus financiers tels que dividendes et plus-values boursières financent aussi les retraites

Fabien Roussel souligne dans la même interview que les revenus boursiers sont bien soumis à des impôts, tels notamment que l’impôt sur le revenu (prélèvement forfaitaire unique à 12.8 % en principe selon le Code général des impôts). On ajoutera la taxation des assurances-vie, soit par comptabilisation dans le revenu global, soit par prélèvement forfaitaire libératoire (7.5% ou 12.8 % selon les cas). Mais contrairement à ce qu’affirme le chef du PCF, il existe aussi des prélèvements sociaux, en premier lieu la contribution sociale généralisée (CSG), au taux de 9.2%. Or, comme le montre un schéma issu du site même de la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse (CNAV), une partie de la CSG finance les retraites, en particulier le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), comme le montrent aussi un tableau élaboré par la CFDT, ainsi que le site vie-publique. Le FSV finance l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), dit « minimum vieillesse », pour les personnes arrivées à l’âge de la retraite avec trop peu de ressources. Les revenus boursiers sont aussi assujettis à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) à hauteur de 0,5 %. La CRDS contribue à résorber la dette sociale, qui inclut, selon la loi, une partie du déficit des retraites. Enfin, il faut ajouter le prélèvement de solidarité à hauteur de 7.5 %, qui alimente aussi le FSV.

On peut toujours affirmer que ce n’est pas assez et que les revenus boursiers devraient être mis plus à contribution, mais il est faux d’affirmer que ces revenus ne contribuent pas au système de retraites des salariés. D’autant que la personne qui ne vit que de revenus boursiers n’a aucun droit à retraite.

Les revenus financiers tels que dividendes et plus-values boursières ne donnent aucun droit à retraite

Notre système de retraite est fondé sur un principe : pour avoir droit à une retraite, il faut avoir cotisé et pour cela avoir eu une activité professionnelle. Or celui qui ne vit que de ses revenus boursiers n’est pas considéré comme un travailleur au sens du régime de retraite.

Loin de vouloir faire pleurer dans les chaumières sur le sort de personnes qui ont pour seule occupation de bien gérer leur confortable fortune, il faut distinguer au moins deux situations, même si elles sont présentées de façon un peu caricaturale. Le milliardaire qui vit de ses revenus boursiers ne bénéficiera jamais du système de retraite et n’en a pas besoin. Il n’a pas cotisé à ce système (sauf pour le FSV), et ne reçoit donc rien car même âgé, il conserve un patrimoine confortable et n’est donc pas éligible au minimum vieillesse (on notera toutefois qu’il bénéficie du régime d’assurance maladie, qui est universel, mais il verse une CSG, et donc finance aussi ce régime).

Tout autre est la situation du « petit actionnaire » qui tire de ses revenus boursiers de quoi vivre sans travail salarié. Ce petit actionnaire peut perdre son capital en raison de mauvais choix ou de cracks boursiers comme il en survient régulièrement. Dans ce cas, il perd également ses revenus boursiers. Et une fois arrivé à l’âge de la retraite, s’il n’a pas de patrimoine, il n’aura droit qu’au minimum vieillesse versé par le FSV qu’il aura contribué à financer (à condition, en plus, que son conjoint soit également en situation de précarité, car les ressources prises en compte pour le minimum vieillesse le sont à l’échelle du foyer). Tout cela est logique : il n’a pas cotisé pour le régime général de retraite (ni aucun autre régime spécial de retraite d’ailleurs), parce qu’au sens du droit social actuel, il n’a pas travaillé. Actionnaire milliardaire ou petit rentier boursier, dans les deux cas, il ne s’agit pas d’activités professionnelles donnant droit à une retraite.

En somme, la logique de notre système de retraite, depuis les origines, est celle d’une assurance professionnelle : celui qui travaille, cotise en même temps ; il recevra une retraite. Celui qui n’a pas d’activité professionnelle au sens de la législation sur les retraites ne cotise pas : il ne recevra rien. L’actionnaire ne cotise pas. Cette logique a été très atténuée en vertu du principe de solidarité, mais elle reste la base de notre système.

Bien entendu, libre au législateur de renverser cette logique, et de faire en sorte que certains (les actionnaires, et tous les rentiers en général) financent toujours plus un système de retraite dont ils ne bénéficieront pas. Reste à vérifier que le Conseil constitutionnel n’y verrait pas d’obstacle.

Contacté, Fabien Roussel n’a pas répondu à nos sollicitations.

Une erreur dans ce contenu ? Vous souhaitez soumettre une information à vérifier ? Faites-le nous savoir en utilisant notre formulaire en ligne. Retrouvez notre politique de correction et de soumission d'informations sur la page Notre méthode.

Faites un don défiscalisé, Soutenez les surligneurs Aidez-nous à lutter contre la désinformation juridique.