Eric Zemmour veut bien des réfugiés d’Ukraine, mais seulement s’ils sont ukrainiens
Dernière modification : 30 septembre 2022
Autrice : Tania Racho, docteure en droit européen, Université Paris-Panthéon-Assas, chercheuse associée à l’IEDP, Université Paris-Saclay
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Héreng Loïc et Yeni Daimallah
Source : Elysée 2022, 17 mars 2022
Le mécanisme de protection temporaire ne permet pas de distinguer, parmi les personnes fuyant un pays en guerre, celles qui ont la nationalité de ce pays, et les autres.
Au cours d’un débat entre Eric Zemmour et Yannick Jadot, le candidat Eric Zemmour a affirmé que parmi les réfugiés ukrainiens se cachent d’autres exilés qui ne devraient pas bénéficier de la protection temporaire. Depuis plusieurs jours déjà, il estime qu’il “faut faire très attention, parce qu’on découvre déjà que dans ces réfugiés dits ‘ukrainiens”, il y a ⅓ d’Algériens, de Marocains, d’Africains, qui se sont faufilés dans cette ouverture du couloir Schengen. […] Moi je veux bien accueillir temporairement les réfugiés ukrainiens parce qu’ils sont nos frères européens et chrétiens. Je ne veux pas que profitent de cela des immigrés africains”.
Problème, la protection temporaire s’applique à toute personne présente sur le territoire ukrainien à partir du 24 février 2022 (le début de l’invasion russe) et ayant dû fuir. Peu importe qu’elle ne soit pas de nationalité ukrainienne.
La directive du Conseil du 20 juillet 2001 oblige à protéger les personnes qui fuient leur pays d’origine, dès qu’est constatée officiellement l’existence d’un afflux massif de personnes, qui nécessite une réaction rapide de la part de l’Union européenne, pour “supporter les conséquences de cet accueil” et équilibrer les efforts consentis par les États membres. C’est le Conseil qui, après constat de la situation d’afflux massif, déclenche l’obligation d’accueil, à la majorité qualifiée, sur proposition de la Commission.
Toute personne ayant dû fuir l’Ukraine a droit à la protection
La protection accordée aux personnes qui ont fui l’Ukraine à compter du 24 février 2022, selon la décision d’exécution du Conseil du 4 mars 2022, est immédiate. Cela signifie que dès leur arrivée sur le territoire de l’Union, ces personnes sont protégées sans distinction.
La liste de ces personnes est précisée dans cette décision d’exécution et dans une instruction du ministère de l’Intérieur français du 10 mars. Il s’agit bien entendu des Ukrainiens, mais également des réfugiés vivant sur le sol ukrainien et ayant dû fuir, ou encore des personnes ressortissantes d’États tiers qui résidaient en Ukraine. Pour ces derniers toutefois, l’administration peut vérifier s’ils sont en mesure de retourner dans leur pays d’origine.
De plus, la protection est étendue au conjoint – ou partenaire stable – aux enfants mineurs et parents proches des trois catégories précédentes (Ukrainiens, réfugiés en Ukraine, étrangers résidant en Ukraine).
Bien sûr, la France peut refouler les personnes qu’elle estime indésirables : mais elle se mettrait alors en infraction avec le droit européen et ses propres règles. Sauf à modifier les textes européens voire la Constitution (qui prévoit l’asile), ce qui ne peut être fait en urgence.
Une limite : des cas d’exclusion de la protection temporaire
Tant la directive que l’instruction, précitées mentionnent la possibilité d’exclure des personnes qui seraient indignes de la protection temporaire. La liste des motifs d’exclusion comporte les cas de commission de crimes graves, ou encore de personnes constituant une menace pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État.
À noter toutefois un paradoxe : selon l’instruction du 10 mars, les personnes exclues de la protection temporaire feront l’objet d’une OQTF (Obligation de quitter le territoire français). Or, toute OQTF doit obligatoirement désigner le pays de renvoi, en l’occurrence l’Ukraine. Devra-t-on renvoyer certaines personnes dans un pays en guerre ?
Contacté, Éric Zemmour n’a pas répondu à nos sollicitations.
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