Des chèvres broutent les fleurs du cimetière, le maire organise une battue. Bilan : neuf mortes

Création : 22 décembre 2021
Dernière modification : 27 juin 2022

Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay

Source : France bleu, le 19 décembre 2021

Si les animaux errants peuvent présenter un danger, ce qui reste à prouver dans le cas présent, ils doivent d’abord être menés dans un lieu de dépôt où, éventuellement, ils seront euthanasiés. Les conditions pour organiser une battue n’étaient pas réunies, sur le fond comme sur la procédure.

Bien triste conte de noël dans la Loire. Le maire de la ville de Lorette (42), sur signalement de certains administrés qui regrettaient qu’une douzaine de chèvres s’en prissent aux végétaux ornant le cimetière et ses pierres tombales, publia un arrêté municipal “relatif à l’organisation d’une battue aux chèvres sauvages”, le 14 décembre 2021. La battue a eu lieu le dimanche qui suivit (selon les informations du site 30 millions d’amis), avec pour bilan neuf chèvres abattues sur douze.

En cas de danger, le maire doit parquer les animaux errants, pas les faire abattre sur place.

Rien, dans les faits rapportés par la presse, ne semblait justifier cette action juridiquement. Selon le Code général des collectivités territoriales, qui régit les pouvoirs de police des maires, la police municipale comprend notamment “Le soin d’obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces”. Féroce, une chèvre ? Malfaisant, le fait de brouter des fleurs ? Admettons qu’il y ait eu de quoi rendre chèvre quelques administrés.

Pour autant, le maire n’a pas les mains libres : “Lorsque des animaux errants sans détenteur (…) sont trouvés pacageant sur des terrains appartenant à autrui, sur les accotements ou dépendances des routes, canaux, chemins ou sur des terrains communaux, le propriétaire lésé, ou son représentant, a le droit de les conduire ou de les faire conduire immédiatement au lieu de dépôt désigné par l’autorité municipale”. La commune étant propriétaire du cimetière, il lui appartenait donc de conduire les chèvres vers un lieu de dépôt (un refuge en somme).

Ensuite, et ensuite seulement : “Si les animaux ne sont pas réclamés, ils sont considérés comme abandonnés et le maire fait procéder soit à leur euthanasie, soit à leur vente (…), soit à leur cession, (…) à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d’utilité publique ou déclarée”. Il en va de même pour les animaux  qui ont échappé à leur détenteur, qui doivent être conduits en un lieu de dépôt, où ils pourront être vendus ou cédés, ou alors euthanasiés après huit jours de garde et faute pour le propriétaire de s’être manifesté.

La battue n’était pas légale.

Quant à la battue organisée un dimanche matin, elle est strictement réglementée. Si un maire peut l’organiser, c’est uniquement dans cinq cas énumérés par le Code de l’environnement : 1° Protection de la faune et de la flore sauvages et la conservation des habitats naturels ; 2° Prévenir les dommages importants, notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d’autres formes de propriétés ; 3° Dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ; 4° Pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique ; 5° Pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement.

La mise en danger des fleurissements de cimetière ne semble entrer dans aucune de ces cinq cases. De plus, les battues doivent être autorisées par le préfet, ou au moins organisées sous son contrôle et sous celui du conseil municipal, comme le précise le Code général des collectivités territoriales.

Le maire aurait donc dû ménager les chèvres.

Contacté, le maire n’a pas répondu à nos sollicitations.

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