David Rachline face à Patrick Cohen qui lui demandait s’il fallait interdire le salafisme, a répondu « oui bien sûr […] oui probablement »
Dernière modification : 17 juin 2022
Auteur : Jean-Paul Markus (propos débusqué par Caroline Lefebvre, SciencesPo SGEL)
Source : France Inter, L’invité de 8h20, min. 6’22
Interdire le salafisme n’est pas possible. Interdire les prêches et messages salafistes ne servirait à rien, puisque ces messages, comme l’incitation à la haine de certaines personnes à la violence, sont déjà interdits par eux-mêmes.
Soulignons d’abord que M. Rachline a dans un premier temps évoqué le seul fait de « fermer les mosquées salafistes », ce qui est plus conforme au droit, tant que cette mesure repose sur des faits contraire à l’ordre public avérés au cas par cas (cf. notre article sur ce point). Sous le feu des questions du journaliste, M. Rachline a ensuite approuvé l’idée d’interdire le salafisme même.
Sur le fond, il faut distinguer : ce que la loi ne peut pas interdire, ce sont les opinions : il n’est pas illégal d’être raciste, homophobe, antisémite, négationniste, pas plus qu’il est illégal d’être encarté PS, LR, ou FN. On peut non seulement avoir ces opinions, mais aussi les exprimer dans un cercle privé de type familial. On peut même éduquer ses enfants dans l’antisémitisme, l’homophobie, et l’amour des blonds car la loi ne s’immisce pas dans la sphère familiale tant que l’enfant n’est pas en danger. Or le salafisme est une opinion, une sensibilité particulière de la religion musulmane. Le législateur ne peut donc l’interdire en soi.
En revanche, la Déclaration des droits de l’homme ajoute : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi » (art. 10). Ce qui peut être interdit, c’est donc l’expression publique de ces opinions, ou l’injure basée sur ces opinions, parce cette expression publique serait, aux yeux du législateur, contraire à l’ordre public : incitation à la haine, atteinte à la dignité des personnes, etc.
Ainsi, le législateur peut interdire les prêches salafistes publics s’il considère, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, que cette expression est en soi contraire à l’ordre public, par les messages véhiculés – ce qu’il faudra démonter au risque de s’aliéner une partie du monde musulman.
Mais en réalité, interdire expressément les prêches salafistes ne servirait à rien, car la loi interdit déjà la plupart des messages véhiculés par les prêcheurs salafistes en tant qu’ils incitent à la violence et à la haine. Il suffit donc d’appliquer la loi.
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