Cours de « culture chrétienne » : la mise en demeure de l’établissement catholique Stanislas est-elle attentatoire à la liberté religieuse ?
Autrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Relecteurs : Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay
Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Guillaume Baticle, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers
Source : Compte X de Christine Boutin, 13 juillet 2025
Le 23 juin 2025, l’établissement catholique parisien Stanislas a été mis en demeure par l’Académie de Paris pour ses cours obligatoires de « culture chrétienne » qui s’apparentent à de l’instruction religieuse. L’ancienne députée des Yvelines, Christine Boutin, s’est emportée contre ce qu’elle estime être une atteinte à « la liberté religieuse ». Mais est-ce le cas ?
« Combien de temps allons nous accepter ces atteintes à la #LiberteReligieuse ? », désespère l’ancienne députée des Yvelines, Christine Boutin, sur son compte X le 13 juillet 2025. L’ancienne ministre du Logement et de la ville sous le gouvernement Fillon réagit à la décision de l’Académie de Paris de mettre en demeure l’établissement privé catholique Stanislas à propos des cours de « culture chrétienne » qui y sont dispensés de façon obligatoire pour tous les élèves.
Ces cours s’apparenteraient à de l’instruction religieuse, or cette pratique, lorsqu’elle est obligatoire pour les élèves, est contraire aux règles qui régissent les établissements sous contrat avec l’État. Le ministère de l’Éducation exige que Stanislas rentre dans les clous et que ces cours deviennent facultatifs et soumis à l’accord explicite des parents.
Alors que cet établissement s’est trouvé au cœur de plusieurs polémiques quant à une protection de la part de certaines institutions, la prolongation du contrat d’association avait déjà été remise en cause par certains. De son côté, Christine Boutin qualifie cette mise en demeure d’atteinte à la liberté religieuse de l’établissement et de ses élèves. Elle se trompe.
Interdiction de tout enseignement religieux obligatoire
Il existe plusieurs types d’établissements scolaires privés. Certains peuvent passer un contrat avec l’État : simple (réservé aux écoles primaires ou aux établissements scolarisant des jeunes en situation de handicap) ou contrat d’association. D’autres peuvent être « hors contrat ».
Pour que les établissements privés sous contrat d’association, comme Stanislas, bénéficient d’un financement public, il faut qu’ils respectent un certain nombre de règles : la conclusion du contrat est subordonnée à la vérification de la capacité de l’établissement à dispenser un enseignement conforme aux programmes de l’enseignement public (article L442-5 du Code de l’éducation).
Ceci dit, rien n’interdit à un établissement privé sous contrat de conserver son caractère propre, notamment par des cours conformes à son orientation philosophique ou religieuse. L’article L141-3 du code de l’éducation est clair : « L’enseignement religieux est facultatif dans les écoles privées ». En cela, la liberté de conscience et de religion des élèves et de leurs familles est préservée.
L’article L442-1 dispose que « l‘enseignement placé sous le régime du contrat est soumis au contrôle de l’État. L’établissement, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. Tous les enfants sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyances, y ont accès ».
Autrement dit, c’est au contraire en rendant les cours de religion obligatoires que l’établissement porte atteinte à la liberté de conscience.
La chose aurait été bien différente s’il s’était agi d’une école privée hors contrat, lesquelles peuvent imposer des enseignements religieux tout en assurant un enseignement conforme aux programmes officiels et aux lois de la République.
Stanislas : mention « insuffisant »
Dans le cas de Stanislas, il s’agit bel et bien d’un établissement scolaire privé sous contrat d’association. D’après Mediapart, l’article 5 du contrat d’association stipulerait clairement que tout enseignement religieux doit rester facultatif, conformément à la loi.
C’est précisément sur ce point que le bât blesse. Cela fait plusieurs années que l’établissement catholique fait l’objet de rapports d’inspection qui notent des insuffisances quant à l’application du contrat d’association.
Un rapport de l’Inspection générale de l’Éducation, du Sport et de la Recherche (IGESR) commandé par le ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, en février 2023 après des accusations d’homophobie attestait effectivement des propos à caractère homophobe ou antiavortement, mais aussi de dérives dans l’application du contrat d’association de l’établissement avec l’État, comme l’obligation de suivre des cours de catéchisme, ce qui est contraire à la loi.
Différentes recommandations avaient été émises par les inspecteurs afin de se conformer au plus vite au contrat d’association. Les cours de catéchisme avaient été renommés « cours de culture chrétienne », mais, d’après la dernière mission de contrôle de l’académie de Paris réalisée entre février 2024 et mai 2025, il semblerait que le contenu ne soit toujours pas en adéquation avec les règles du contrat d’association.
Selon le rapport issu de cette mission consulté par Mediapart, le changement de nom de ces cours – imposés à tous les élèves, car intégrés dans un projet éducatif que les parents doivent approuver à l’inscription – ne changerait pas fondamentalement le contenu des cours.
Les inspecteurs, cités par Mediapart, notent que « certaines questions peuvent faire référence à la foi et à la religion de l’élève » et estiment que « le contenu des heures de culture chrétienne obligatoires s’apparente à de l’instruction religieuse ».
L’Académie de Paris a mis en demeure Stanislas, par un courrier du 23 juin 2025, de prendre les mesures nécessaires, d’ici à la rentrée scolaire, pour s’assurer de l’accord explicite des parents à cette heure de « culture chrétienne ».
Pour le rectorat, la distinction entre culture et catéchèse est insuffisamment marquée, ce qui justifie la mise en demeure qui vise justement à garantir la liberté de conscience, en empêchant qu’un enseignement confessionnel soit imposé sous une forme déguisée.
L’Académie de Paris note également que l’établissement fera l’objet d’une « vigilance particulière » concernant le déploiement du programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité.
Une phrase qui n’a pas manqué de déclencher de vives réactions tant le programme Evars a fait l’objet de contestations aussi alimentées par des désinformations, comme Les Surligneurs l’ont montré ici, ici et ici. « L’État ne tolère plus qu’on enseigne la culture chrétienne… Par contre, expliquer la masturbation en CM1, là c’est une priorité », écrit un compte X habitué aux publications de désinformation.
Pourtant, il s’agit ni plus, ni moins de l’application du programme scolaire que Stanislas se doit de respecter dans son contrat d’association. D’après un rapport parlementaire, plusieurs missions d’inspection avaient noté que les cours d’éducation à la sexualité étaient insuffisants et non conformes au programme ainsi que dans la rigueur scientifique.
À noter que l’autorité académique a estimé que dix des recommandations formulées par l’IGESR en juillet 2023 ont fait l’objet d’une mise en conformité satisfaisante.