Coronavirus : Selon Marion Maréchal, l’Union européenne “n’a d’autre choix que de suspendre deux de ses dogmes fondateurs : l’espace Schengen et le Pacte de stabilité”
Dernière modification : 20 juin 2022
Autrice : Sarah Pineau, étudiante à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, sous la direction de Vincent Couronne, docteur en droit public, chercheur associé au laboratoire VIP-Paris Saclay
Source : L'incorrect, 28 mars 2020
Le rétablissement des contrôles aux frontières a pris effet au sein de l’espace Schengen de manière temporaire (30 jours), et les règles budgétaires (Pacte de stabilité et de croissance : critères dits de Maastricht) ont été assouplies, mais ce n’est pas un « abandon des dogmes », et donc pas une « suspension ». Ce sont des dérogations temporaires prévues par ces mêmes “dogmes” qui prouvent ici leur souplesse.
Marion Maréchal, ancienne députée, a déclaré dans une tribune que l’espace Schengen et le Pacte de stabilité et de croissance avaient été « suspendus ». Or, aucune suspension ici puisque tant le code Schengen que le Pacte prévoient les dérogations actuellement mises en œuvre.
Comme expliqué dans notre article du 27 février dernier, il reste possible pour les États membres de l’Union européenne de réintroduire les contrôles aux frontières « en cas de menace grave pour l’ordre public » en toute légalité, (article 25 du code Schengen), et ce, « pour la durée prévisible de la menace grave si elle est supérieure à trente jours ». Or, cette pandémie constitue une menace grave à l’ordre public, comme l’a clairement dit la Commission européenne.
Du fait de la crise sanitaire liée au coronavirus, nombreux sont les États membres de l’espace Schengen ayant rétabli les contrôles. Plusieurs d’entre eux ont même annoncé la fermeture totale aux voyageurs étrangers, à l’instar de la Pologne, la Lituanie, le Danemark, la Slovaquie, Chypre et la République tchèque.
L’espace Schengen n’est donc pas suspendu. Ses États membres recourent seulement à l’une des dispositions, l’article 25 du code frontières Schengen, leur permettant de se protéger à la hauteur du danger. C’est même une condition essentielle de l’espace Schengen : jamais les États ne se seraient engagés dans la suppression des contrôles aux frontières s’ils ne s’étaient pas réservé le droit de les rétablir temporairement en cas de crise.
D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que les contrôles aux frontières sont rétablis. Ce fut notamment le cas en France, après les attentats du 13 novembre 2015. Elle avait alors obtenu une autorisation de contrôler les flux à certaines entrées territoriales au fort trafic.
Pour ce qui est du Pacte de stabilité et de croissance, le Conseil de l’Union européenne a en effet décidé le 23 mars dernier d’autoriser les États membres de l’Union à aggraver leurs déficits publics sans craindre de sanction européenne.
Or, ce qui semble être une suspension des règles de discipline budgétaire n’en est pas une : le Pacte de stabilité et de croissance prévoit lui-même depuis 2011 qu’en cas de grave récession économique dans l’Union, il puisse être possible de ne pas respecter temporairement les règles interdisant les déficits excessifs (articles 3 paragraphe 5 et 5 paragraphe 2 du règlement du 7 juillet 1997, modifié en 2011).
La dépense ne peut pas être illimitée cependant, puisque le règlement de 1997, modifié en 2011 après la crise financière pour permettre aux États membres de réagir en cas de crise, précise bien que l’État ne peut pas, « mettre en danger la viabilité budgétaire à moyen terme ». Mais cette disposition a peu d’effet ici, car il est difficile de savoir dans la situation actuelle, et notamment grâce à l’action de la Banque centrale européenne, jusqu’où la dette d’un État est soutenable.
Une fois la crise passée, le Pacte de stabilité et de croissance requiert des États membres de revenir aux règles traditionnelles et de mettre en œuvre des mesures visant à corriger les déficits qui seront forcément devenus « excessifs ». Et si les règles ne sont pas modifiées d’ici là, les Européens pourront se rendre compte par eux-mêmes qu’elles n’ont en aucun cas été suspendues.
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