Coronavirus: Selon Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI, “en matière électorale, tout ce qu’on est en train de faire est parfaitement illégal”
Dernière modification : 20 juin 2022
Autrice : Pauline Wiener, étudiante à Science Po Saint-Germain-en-Laye, sous la direction de Jean-Paul Markus, professeur de droit à l’université Paris-Saclay
Source : L’Opinion, 24 mars 2020
Jean-Christophe Lagarde compare une décision du gouvernement (le report) et le code électoral (qui ne prévoit pas de report), pour affirmer qu’il y a illégalité. Heureusement le droit n’est pas une science si rigide qu’elle ne saurait tenir compte des réalités de terrain. Face à certaines circonstances exceptionnelles le droit a toujours plié sans rompre et le report du second tour, justifié par ces circonstances, était légal. Il l’est plus encore maintenant qu’il est inscrit dans la loi du 23 mars 2020.
Quand Emmanuel Macron déclare la guerre au Covid-19 et le report des élections municipales, lundi 16 mars, la mesure n’a pas encore été votée et les conseils municipaux ont l’obligation légale de se réunir. Cependant, cette mesure est-elle « illégale » pour autant ? Si Jean-Christophe Lagarde a raison de s’interroger sur le flou juridique et le caractère sans précédent d’un écart de plusieurs semaines entre les deux tours d’un scrutin municipal, il n’y a aucune illégalité vu les circonstances.
Traditionnellement, l’élection municipale est considérée comme « un bloc » composé de deux éléments. Selon le code électoral, « l’élection a lieu en mars et que le mandat des conseillers est de six ans » (art. L. 227) et « en cas de deuxième tour de scrutin, il y est procédé le dimanche suivant le premier tour » (art. L. 56). Ces dispositions permettent d’éviter l’altération de la sincérité du scrutin et donnent raison sur l’esprit des textes à Jean-Christophe Lagarde : peut-il pour autant parler d’illégalité compte tenu du contexte ?
Il n’existe pas de précédent d’un écart de plusieurs semaines entre les deux tours d’un scrutin municipal. Mais en 1973, le département de La Réunion avait vu le second tour de l’élection législative reporté d’une semaine à la suite d’une alerte cyclonique. À cette occasion, le Conseil constitutionnel avait jugé, dans une décision du 27 juin 1973, que ce report était justifié par les circonstances exceptionnelles et que la sincérité du scrutin n’avait pas été altérée. L’exemple de 1973 est tout à fait transposable à l’élection municipale. Dans son avis sur le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, le Conseil d’État considère aussi qu’en raison des circonstances exceptionnelles, ce report du second tour des élections municipales n’est pas contraire à la Constitution. D’ailleurs la Constitution reste floue sur la question : « le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret »(art. 3).
Enfin, ce que la loi a fait à l’article L. 56 du code électoral, la loi a la possibilité de le refaire comme le prouve l’article premier de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 publiée au Journal officiel ce lundi 24 mars. Selon cette loi, pour les communes qui n’ont pas été pourvues d’un conseil municipal au premier tour des élections municipales, le second tour est reporté au plus tard, à juin 2020. Ce report est évidemment justifié par des circonstances sanitaires exceptionnelles, et sa durée limitée rend possible la prise en compte des résultats du premier tour. Il n’a donc jamais été illégal compte tenu des circonstances, et il est désormais inscrit dans la loi, laquelle sera bientôt suivie par une ordonnance précisant les modalités de report.
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