Christian Estrosi, maire (LR) de Nice, veut que “lorsqu’on sollicite l’asile, on ne le sollicite pas à la frontière mais on le sollicite dans les consulats français dans les pays d’origine”
Dernière modification : 21 juin 2022
Autrice : Tania Racho, docteure en droit public de l’Université Panthéon-Assas
Source : Interview politique, Europe 1, le 30 octobre 2020
On comprend bien l’objectif de Christian Estrosi : éviter que de potentiels terroristes n’arrivent sur le sol français. Mais la logique même de l’asile veut que le demandeur ait déjà fui son pays en raison de la crainte de persécutions. S’il prend le temps de demander l’asile auprès du consulat français dans son pays avant de fuir, il pourrait être capturé dès sa sortie par les autorités de son pays. Cette proposition met le demandeur dans une impasse contraire au droit de l’asile.
Interviewé rapidement après les attaques de Nice, le maire LR Christian Estrosi s’interroge au sujet de la possibilité pour les migrants d’arriver jusqu’en France. En rappelant qu’il ne faut pas mélanger terrorisme et flux migratoires, il estime qu’il faudrait cependant que la viabilité d’une demande d’asile puisse être étudiée dans le pays d’origine de la personne afin notamment de l’empêcher d’entrer en France si le dossier a été rejeté.
Jeudi 29 octobre, la ville de Nice est à nouveau attaquée : un acte terroriste est perpétué au sein d’une Eglise, provoquant 3 morts. Le terroriste était un tunisien entré en France quelques jours auparavant, après avoir traversé la Méditerranée en bateau de fortune et accosté à Lampedusa en Italie.
Pour empêcher l’arrivée sur le territoire de personnes présentant un danger pour la France, il propose de permettre qu’une demande d’asile soit étudiée au sein des consulats, avant que le demandeur ne quitte son pays. En cas de rejet par le consulat, l’étranger qui tenterait malgré tout de venir serait alors refoulé à la frontière française.
A l’heure actuelle, tout demandeur d’asile doit pouvoir pénétrer sur le territoire pour voir sa demande étudiée selon les réglementations internationales, européennes et nationales. Et justement, pour demander l’asile il faut avoir fui son pays. C’est une des conditions essentielles qui démontre que l’on ne peut plus prétendre à la protection de son propre pays, entraînant un exil nécessaire. La Convention de Genève de 1951 (article 1er) indique que la personne qui demande l’asile « se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ».
Ce critère de localisation hors de son pays rend la demande de M. Estrosi impossible au regard du droit international et de la logique même de l’asile. Précisons également que les consulats de France à l’étranger ne sont pas des territoires sacralisés.
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