Candidat député Benjamin Sigoura pour les Français de l’étranger : “création de milices communautaires armées pour renforcer la sécurité des juifs de France”
Dernière modification : 26 juin 2024
Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Relecteur : Clément Benelbaz, maître de conférences en droit public à l’Université Savoie-Mont-Blanc
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Guillaume Baticle
Source : Compte X de Benjamin Sigoura, 13 juin 2024
Sauf à la modifier, la loi interdit la création de milices armées. Il faut alors passer par des sociétés de protection, qui sont très contrôlées. Quant à créer des “milices communautaires”, il s’agirait en plus d’une discrimination à l’embauche.
Que les juifs de France commencent à craindre pour leur sécurité face à un antisémitisme grandissant, c’est incontestable. Mais de là à créer une milice armée comme le souhaite Benjamin Sigoura, candidat à la députation pour la 8ème circonscription des Français de l’étranger, il y a un fossé juridique à ne pas franchir.
Milices interdites depuis 1936 sauf pendant la période de Vichy
C’est une loi du 10 janvier 1936 qui pour la première fois interdit les milices privées pour répondre aux troubles insurrectionnels du 6 février 1934. Elles seront réintroduites sous Vichy par la loi du 30 janvier 1943, mais celle de 1936 fut ensuite rétablie avant d’être codifiée dans le code de la sécurité intérieure, article L. 212-1. Cet article n’interdit pas les milices de manière expresse, mais il en prévoit la dissolution : “Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait (…) qui présentent, par leur forme et leur organisation militaires, le caractère de groupes de combat ou de milices privées“.
Ainsi, outre qu’il est curieux pour un défenseur de la sécurité des juifs de France de prôner la création de milices sur le modèle de celles qui ont précisément pourchassé les juifs et résistants durant la Seconde Guerre Mondiale, cette proposition est tout simplement illégale, sauf bien entendu à modifier la loi.
Nous avions déjà relevé l’illégalité d’une telle proposition à propos du maire d’un village qui voulait créer une police composée de citoyens bénévoles assermentés pour lutter contre les civilités.
Seule la voie des vigiles privés est possible
L’autre voie légale est celle des surveillances rapprochées à l’aide de personnels dédiés : les “activités privées de surveillance et de gardiennage”, régies par les articles L. 6111-1 et suivants et code de la sécurité intérieure (CSI). Dans ce cadre très strict, des agents de sécurité privés, même armés, peuvent veiller sur des lieux ou des personnes. Ces personnels agissent au sein de sociétés spécialisées, sous surveillance étroite de la police, et assujetties à un agrément de l’autorité de police (article L. 612-6 CSI). Cet agrément est lui-même soumis à des conditions, notamment de ne jamais avoir été condamné à certaines peines lourdes.
Non seulement ces sociétés sont contrôlées et doivent être agréées, mais elles ne peuvent employer que des personnels eux-mêmes contrôlés et devant détenir une carte professionnelle soumise à conditions (articles L. 612-20 et suivants).
“Milices communautaires” = “milice de juifs” ?
Autre problème qui se poserait pour ces sociétés : qu’est-ce qu’une “milice communautaire” ? Les sociétés privées de protection ne peuvent pas subordonner le recrutement de leurs agents à leur religion sans se livrer à une discrimination illégale à l’embauche (article L.1132-1 du code du travail).
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