Boris Vallaud (PS) estime que le texte des Républicains consacré à l’immigration ne relève pas de la «politique sociale» et donc qu’il ne peut donner lieu à un RIP
Dernière modification : 11 avril 2024
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public
Relecteur : Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public, Université de Poitiers
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Aya Serragui
Source : Libération, 3 avril 2024
Le référendum d’initiative partagée porte sur un nombre limité de sujets, parmi lesquels la politique économique et sociale de la nation. L’immigration n’est pas expressément mentionnée. Toutefois, si le Conseil constitutionnel le décide, l’immigration pourrait être considérée comme faisant implicitement partie de la politique économique et sociale de la nation.
Les Républicains proposent un référendum d’initiative partagée (RIP) portant sur l’immigration. Ce texte reprendra les dispositions censurées par le Conseil constitutionnel lors de son contrôle de la loi Immigration. Mais les socialistes, par la voix de leur porte-parole Boris Vallaud, estiment que ce nouveau texte ne pourra pas faire l’objet d’un RIP car il ne relève pas de la « politique sociale » prévue par l’article 11 de la Constitution.
ADOPTER UNE LOI PAR LE BIAIS DU RÉFERENDUM D’INITIATIVE PARTAGÉE
L’alinéa 3 de l’article 11 de la Constitution permet de provoquer un référendum d’initiative partagée, mais à des conditions strictes : un cinquième des membres du Parlement doit en être à l’initiative, soit 185 sur les 925 parlementaires (577 députés et 348 sénateurs). Si la proposition est validée par le Conseil constitutionnel, elle doit aussi être soutenue par un dixième des électeurs, ce qui représente entre 4 et 5 millions de personnes.
C’est un référendum législatif, ce qui signifie que seule une loi – dite loi référendaire – peut être adoptée par ce biais, à la différence d’une révision de la Constitution.
LE RIP PEUT-IL PORTER SUR L’IMMIGRATION ?
Le premier alinéa de l’article 11 fixe la liste exhaustive des sujets sur lesquels peut porter le référendum législatif, et l’immigration n’en fait pas explicitement partie. Mais en fait-elle implicitement partie ?
Selon certains responsables politiques, comme Jordan Bardella, la question de l’immigration relèverait bien de la politique économique et sociale de la nation, un des thèmes visés par l’article 11.
Selon d’autres responsables politiques, et c’est le cas des socialistes, organiser un référendum sur l’immigration implique, au préalable, d’ajouter l’immigration à l’article 11, en révisant la Constitution (par l’article 89). Un projet qu’Emmanuel Macron avait d’ailleurs brièvement soutenu, avant de l’abandonner faute de consensus politique.
Dans un communiqué de presse, Les Républicains admettent que le thème de l’immigration n’entre pas, en l’état du droit, dans le giron de l’article 11. Le RIP porté ne concerne donc que des dispositions relatives à la politique sociale de la Nation.
Le Conseil constitutionnel tranchera
Le Conseil constitutionnel intervient dans la procédure en contrôlant l’objet du référendum. Selon l’ordonnance de 1958 qui règlemente le rôle du Conseil, modifiée par une loi organique de 2013 qui apporte des précisions quant au RIP, le Conseil contrôle la conformité de l’objet de la proposition à la liste de l’article 11. Si ce dernier considère que les propositions faites par les Républicains n’entrent pas dans le champ de la « politique économique ou sociale de la nation« , la proposition de RIP ne pourra pas être soumise aux électeurs.
Le Conseil constitutionnel devrait avoir l’occasion de trancher lorsqu’il se prononcera sur la proposition de référendum dans les prochains jours.
L’article a été modifié le 10 avril pour tenir compte de la remarque d’un lecteur.
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